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Eileen Grey : Visite de la villa iconique E-1027 à Roquebrune Cap Martin

Véritable icône de l’architecture moderne, la villa E-1027, première création architecturale d’Eileen Gray, témoigne de sa réflexion attentive dans le dessin de chaque détail. Elle a valeur de manifeste, tant pour l’architecture elle-même que pour les meubles fixes et mobiles, les luminaires et les décors qui en sont indissociables. Trois ans durant, Eileen Gray dessina le mobilier et, en collaboration avec son compagnon Jean Badovici, les plans du projet.

LES ASTUCES D’UN MOBILIER FIXE OU MOBILE

La Villa est petite mais pour Eileen Gray chacun « doit pouvoir rester libre et indépendant » et tout ranger dans un minimum de place. Pour cela, elle invente un mobilier élégant, fonctionnel et très astucieux dont elle soigne chaque détail.

Cet esprit d’ordre et de rangement se matérialise par de petites « étiquettes » peintes précisant la place de chaque chose. Les dessins d’architecte designer d’Eileen Gray détaillent tous les dispositifs qu’elle invente pour créer des sous-espaces et des meubles mobiles, fixes ou intégrés qui accompagnent toutes les activités. Certains meubles et tapis sont des créations en vente dans sa galerie parisienne Jean Désert et, elle invente pour E-1027 un mobilier innovant par la légèreté des matériaux et la liberté de sa disposition dans tous les espaces. Dans la grande pièce du rez-de-chaussée, elle installe notamment, le fauteuil Transat, inspiré de ceux des paquebots et le fauteuil Bibendum. Elle crée aussi une banquette en cuir noir à armature en tube d’acier chromé, les tables volantes, le tapis « Marine d’abord » de la chambre d’amis ou l’astucieuse table de chevet chromée circulaire, baptisée Table E-1027, réglable en hauteur par une chaînette métallique.

D’autres meubles sont intégrés comme la tête de lit du petit divan de la grande pièce, avec son placard à oreillers, sa veilleuse à lumière bleue et ses prises de courant. A côté, un lutrin à livre est porté par un bras pliable métallique. Dans la chambre d’amis, un dispositif similaire porte le plateau inséré dans le secrétaire à rabat et rayonnages qui épousent le mur. Dans la chambre d’Eileen Gray, l’armoire de toilette haute et étroite sert de paravent entre le lavabo et le studio de travail. Dans un angle, des tiroirs pivotants se superposent. Dans la chambre d’amis le célèbre miroir mural circulaire Satellite avec son bras articulé portant un petit miroir rond fut l’objet d’un brevet déposé par Jean Badovici.

Aujourd’hui, les meubles mobiles présents dans la villa sont des réalisations modernes éditées par Aram, et les meubles fixes ont été recréés par l’Association Cap Moderne, d’après les plans et photos d’origine.

UN JARDIN AUX AMBIANCES VARIÉES

Tout comme la villa, ses jardins et son terrain sont classés au titre des monuments historiques.

Tout en variant les ambiances au nord et au sud-ouest, le jardin prolonge l’intimité de la villa côté mer. Au sud-ouest, il devient un salon extérieur abrité du vent par des pins maritimes, avec des chemins en dallage, des bancs, un espace pour les bains de soleil et une table pour les cocktails. Plus bas, un cyprès domine les rochers battus par la mer, où s’accrochent quelques plantes endogènes. Au nord, Eileen Gray a restauré les terrasses de citronniers et elle a profité de l’ombre pour installer une cuisine extérieure.

EILEEN GRAY, JEAN BADOVICI, UNE AMITIÉ ARTISTIQUE

Entre 1926 et 1929, lorsqu’elle construit la villa avec son compagnon l’architecte Jean Badovici (1893-1956), le nom de cette maison de vacances imaginée à deux naît de l’imbrication de leurs initiales : « E pour Eileen, 10 du J de Jean, 2 du B de Badovici, 7 du G de Gray », le nom de la villa imbrique leurs initiales.

L’AFFAIRE DES PEINTURES DE LE CORBUSIER

Si Eileen Gray tenait à la blancheur des murs de la villa, Le Corbusier n’était a priori pas du même avis…

Bien après le départ d’Eileen Gray qui quitta la villa en 1932, Le Corbusier y séjourna pour quelques jours en 1937, 1938 et 1939. En avril 1938, avec l’encouragement de Jean Badovici, il y réalisa deux peintures murales, revenant l’année suivante pour en ajouter cinq. Il déclarait : « J’ai de plus une furieuse envie de salir des murs : dix compositions sont prêtes, de quoi tout barbouiller. » Selon ses biographes, Eileen Gray n’appréciait pas ces peintures. En 1949, Badovici menaçait de les enlever. Endommagées pendant la guerre, plusieurs peintures ont été restaurées par Le Corbusier lui-même en 1949 et à nouveau en 1963. Trois peintures ont cependant disparu. Les peintures conservées ont été restaurées .

LA RESTAURATION

Parfois maltraitée par ses propriétaires successifs, dont l’un mourut assassiné sur place, la villa, vidée de son mobilier, était très dégradée lorsque le Conservatoire du littoral en fit l’acquisition en 1999.

Sous les maîtrises d’ouvrage successives de la DRAC PACA, du Conservatoire du littoral et maintenant de Cap Moderne, d’importants travaux de restauration sont menés sur le site. Ils concernent le gros œuvre structurel mais aussi le second œuvre, l’aménagement intérieur et les jardins. Le parti pris des restaurations précédentes fut celui d’une « restauration en conservation » qui privilégie, chaque fois que possible, le maintien des éléments d’origine et les changements successifs.

La restauration entreprise par Cap moderne vise à faire comprendre aux visiteurs le génie d’Eileen Gray. Ainsi sa restauration cherche à restituer la Villa dans son état d’origine en 1929.

Photos : Manuel Bougot

E-1027 MAISON EN BORD DE MER

Visite de la villa ainsi que du bar-restaurant L’Etoile de mer, du Cabanon et des Unités de camping de Le Corbusier. Réservation obligatoire sur www.capmoderne.monuments-nationaux.fr