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Babi ou les choses bien faites

Rue Mandar, à Paris, ces deux très jeunes chefs font se croiser le registre du bistrot et celui de la cuisine d’auteur. Dans cette belle équation, la cave s’exprime au coeur du sujet. Une magnifique adresse, ouverte le mois dernier, qui régale ses clients le soir uniquement !

Ils ont à peine une vingtaine d’années (respectivement 23 et 24 ans) et  ils témoignent déjà d’une impressionnante fibre entrepreneuriale. Leur inventivité et leur audace, au coeur de cette table de 30 couverts d’un nouveau genre, épate le monde de la gastronomie qui salue unanimement ces deux ptis gars doués d’un talent fou. Jérémie Taché et Néo Guérin, deux copains, passés par Shabour et Tekés, croient en l’amitié et aux brillants  accords Mets&Vins mais dans la concision, la spontanéité et la précision. Dès l’arrivée, on plonge dans cette ambiance euphorique où le partage et la bonne humeur ne font qu’un. Les deux fondateurs de Babi ne cherchent pas à se distinguer sur le champs de la table étoilée mais plutôt de surprendre par des associations de leur crû qui placent le client dans un état de totale découverte. Ici on goûte, on déstabilise les papilles dans une atmosphère de grande tablée joyeuse. Dans le 2ème arrondissement quelques-uns de leurs plats (Artichaud ABC, Homard 51 et Ceviche Olé Olé et Pigeon In Vitro) ont conquis le coeur de tout le voisinage rien que par le bouche-à-oreille.

Cela a éveillé, bien sur, notre curiosité. On nous place à proximité de comptoir en granit, nous sommes gâtés. Les équipes averties de notre amour du vin nous assure que nous allons être comblés avec de beaux flacons, soigneusement sélectionnés en provenance de vignobles étrangers. On reconnait derrière la déco étonnante, la patte de ONO Studio appréciant matériaux bruts et savoir-faire locaux. Dans les coulisses, les parfums de poulpe, de maigre, poitrine, algue nous laissent deviner ce qui se déroulent du coté des fourneaux.

Comme un carnet de voyage.

Nous allons déguster ces produits phare comme si l’on tournait les pages d’un captivant carnet de voyage. On opte pour le 100 % assiettes partagées avec le remarquable artichaud à la barigoule et son tartare d’olives vertes siciliennes, de pecorino au poivre et câpres frites, crème de tomates séchées (16 euros). Une explosion de saveurs nous projette tantôt en Provence tantôt en Italie. Ensuite, arrive l’immanquable ceviche best-seller faisant converser acquaverde, maigre, brunoise d’échalotes et courgette (19 euros). Le condiment à la passion articule merveilleusement l’ensemble. La Lattume, semence de thon déshydratée nous comble avec ses notes iodées. Quel instant de bonheur ! Le service de Nicolas,  venant de l’EHL,  est vif et sans chichi. Les visages rayonnent d’allégresse. Dans le verre ? On a testé deux très beaux nectares. D’une part le déroutant « Keush », une magnifique bulle d’Arménie, à la frontière de l’Azerbaïdjan, se distinguant par sa fraîcheur et un subtil profil aromatique. D’autre part, un sublime « Colomé Torrontés 2024 » un blanc des plateaux de Salta en Argentine.

Ce cépage autochtone cultivé sur les plus hautes vignes du monde, nous fait chavirer avec ses notes florales de rose et de litchi. Un instant de grâce. Il est temps de tester l’incontournable et fabuleux Pigeon (34 euros). Ce dernier, complètement désosssé, emprunte à l’Egypte l’idée de farcir l’oiseau avec une céréale. Qu’on se le dise, c’est une première pour nous. On est plongés dans une valse de plaisirs gustatifs née de la rencontre de riz à sushi vinaigré, d’algues wakamé et de dulse de Bretagne. La réduction de jus de pigeon et la gastrique de fruits rouges nous conduisent illico au septième ciel. Bravo les gars ! Sur la partie sommelière, on n’est pas en reste avec le brillant « Pinto Nahal Shualim 2022 » qui nous promène au coeur sur désert du Negev sur des sols calcaires riches en minéraux qui tempèrent la chaleur intense du sud. Ce vin, au prime abord, robuste se montre finalement généreux dans une rondeur enveloppante. On constate que la cave est le vrai fil conducteur. A l’heure du dessert, la surprise-maison de la « Babka Perdue », accompagné de la grisante cuvée Rain Water, ravissant Madère du Domaine Barbeito ne manque pas de délicatesse ni de gourmandise. En quittant les lieux, on se dit que cette carte courte, où le végétal, le poisson et les viandes se partagent la vedette, est dictée par deux vrais passionnés ne répondant qu’aux lois du coeur. Et que cette curieuse adresse extrêmement attachante, aux allures de chaleureuse cave à vins, propose des plats soigneusement construits avec de très beaux sentiments. Vive la jeunesse, vive à Babi !

Infos pratiques :

Babi Restaurant. Au 11, rue Mandar 75002 Paris. Ouvert du mardi au samedi de 19h à minuit. Réservation recommandée.