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Alexander Kraft : un mix entre Ralph Lauren et le chic italien

Alexander Kraft, entrepreneur international de renom, président de Sotheby’s international France-Monaco et icône de style, a voulu créer sa propre collection de vêtements :  Alexander Kraft Monte Carlo.

On en parle avec lui…

Comment est née votre passion pour la mode ?

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu une passion pour tout qui est beau : l’art, l’architecture, le design, mais aussi la mode, les voitures, les voiliers… Si je dois analyser rétrospectivement d’où vient ma passion pour la mode, je dirais qu’il y a eu probablement trois influences décisives : mon grand-père, mes souvenirs d’enfance italiens et l’univers de Ralph Lauren. Mon grand-père était un véritable gentleman de la vieille école: toujours vêtu de costumes sur mesure, il était parfaitement habillé en toute occasion. Il ne conduisait jamais de voiture sans ses gants, ne sortait pas sans chapeau… Toutes ces habitudes ont laissé une empreinte dans mon esprit. Quand il est décédé, j’avais que 12 ans, et j’ai hérité de toute sa garde-robe. Plus tard, vers mes 15 ans, j’ai commencé à adapter ses costumes pour moi. Je m’intéressais à la mode depuis mes 11 ans, mais c’est seulement à ce moment-là qu’est née ma vraie passion pour la grande mesure, les tailleurs et l’artisanat en général. L’Italie a aussi eu une grande influence sur moi. Enfant, j’ai passé presque toutes mes vacances dans des villas louées par ma famille en Toscane. C’est là que j’ai découvert le style italien avec sa philosophie de la « bella figura » (le fait d’être toujours bien habillé en toute situation) et de la « sprezzatura » (une nonchalance naturelle). Dans les rues de Florence ou de Lucques, j’ai appris les codes de l’élégance sportive à l’italienne, l’art de combiner des vêtements formels avec d’autres éléments plus sportifs à la Gianni Agnelli. A 15 ans, j’ai découvert aussi les premiers magasins Ralph Lauren qui venaient d’ouvrir à travers le monde. Le « nouveau » style de Ralph Lauren m’a beaucoup inspiré car il montrait qu’on peut modifier les codes vestimentaires traditionnels avec des touches plus contemporaines et sportives, permettant d’être très élégant sans jamais être fade. Ralph Lauren ose jouer avec les styles, comme il le fait avec son style anglo-américain unique.

Existe-t-il un lien entre la mode et l’univers immobilier ?

Certainement : le lien, ce sont les clients. Les personnes qui apprécient l’immobilier haut de gamme avec une architecture historique, une décoration raffinée ou une histoire remarquable, sont aussi celles qui s’intéressent à la mode et à l’artisanat. Cela fait plus de 25 ans que j’ai constaté ce lien (depuis que j’ai commencé à travailler chez Sotheby’s), et dès le début j’ai organisé des coopérations d’envergure avec des grandes maisons de mode pour mélanger les deux univers, par exemple autour de cocktails avec des clients communs. Ces événements ont toujours rencontré un franc succès car les clients sensibles au raffinement l’apprécient sous toutes ses formes, qu’il s’agisse de voitures de collection, d’horlogerie, de joaillerie… Aujourd’hui encore, je m’emploie à mélanger différentes formes de raffinement. Quand j’organise mes rallyes annuels, par exemple, j’essaie de créer des expériences uniques qui mêlent voitures de collections, immobilier d’exception, horlogerie, mode, gastronomie et art de vivre.

Quelle est votre inspiration ?

Beaucoup de choses m’inspirent. Pour commencer, je crois que j’ai une certaine affinité naturelle avec des entrepreneurs légendaires comme Gianni Agnelli, Stávros Niárchos ou Aristote Onassis. Ces grandes personnalités m’inspirent non seulement avec leur vision extraordinaire, leur détermination et leur énorme succès en affaires, mais aussi par le fait qu’ils ont toujours apporté une certaine classe et originalité à tout ce qu’ils ont touché, dans leurs tenues vestimentaires comme dans leurs style de vie en général (collections d’art, voitures d’exception, bateaux, propriétés…). Autre source d’inspiration: les grands élégants de l’écran comme Carry Grant, David Niven ou Gary Cooper qui ont souvent utilisé leurs garde-robes personnelles dans les films dans lesquels ils apparaissaient. Très attentifs à leur image, ils ont voulu apporter leur style à leurs films, comme Cary Grant l’a fait par exemple dans les films qu’il a tournés avec Alfred Hitchcock. Ces icônes avaient la même élégance dans leur vie personnelle et dans leurs films. Il en est de même pour moi : je m’habille avec la même attention dans ma vie privée et dans ma vie professionnelle. Mes voyages et mon travail sont une dernière source d’inspiration: j’ai toujours beaucoup voyagé et eu la chance de voir de nombreuses cultures de près. A travers mon travail, je rencontre au quotidien des gens extraordinaires qui sont une grande source d’inspiration pour quelqu’un avec un esprit ouvert.

A quel homme ou à quelle femme vous adressez-vous ? 

Ce qui m’a motivé à fonder ma propre marque c’est mon succès sur Instagram. Depuis que j’ai créé mon compte, mes followers (plus de 200 000) me demandaient presque à chaque post d’où venaient mes vêtements. Mais, beaucoup de ces tenues étant créés sur mesure par les meilleurs tailleurs du monde ou venant de maisons très haut de gamme, elles n’étaient pas toujours accessibles à une grande partie de mes followers. L’idée, en créant ma marque, était donc de m’adresser aux gens qui aiment mon style mais qui n’ont pas nécessairement les moyens ou la volonté d’acheter les mêmes marques ou consulter les mêmes tailleurs que moi. Ces personnes, majoritairement âgées entre 25 et 45 ans, font très attention à leur style et leur style de vie en général. Je veux offrir à cette clientèle, à travers ma ligne de prêt-à-porter, un rapport qualité prix extraordinaire dans un style intemporel, classique, inspiré par la grande mesure, mais avec des touches contemporaines raffinées.

Comment réussissez-vous à proposer des produits de grande qualité à des prix aussi accessibles ?

Mon but, c’est d’offrir en effet une qualité de vêtements très haut de gamme à des prix moyen de gamme. Je réussis ce pari grâce à quatre éléments : des accords stratégiques avec des fabricants de tissus partageant ma vision et fiers de s’associer à moi, une vente 100% en ligne, une communication uniquement digitale, et des marges fortement réduites au bénéfice de mes clients. Pour donner un exemple concret, un costume dans une flanelle de Vitale Barberis Canonico, produit dans les Pouilles en Italie, partiellement fait à la main avec beaucoup de touches de tailleurs comme des épaules cordées (« roped »), des trous boutons fonctionnels, un trou de revers fonctionnel avec un passant pour les fleurs derrière le revers, coûte moins de 1 000 € chez Alexander Kraft Monte Carlo. Pour une qualité comparable, il faut compter ailleurs entre 3 000 euros et 7 000 euros chez les grandes marques.

Parlez-nous de la collection Automne Hiver 21-22 et de votre prochaine collection. 

C’est le style « casual elegant » (élégance décontractée) revisité : je pars d’éléments très classiques comme des vestes en tweed, des jeans, des duffle-coats et des pulls en cachemire mais je leur donne un coup de jeune, une touche contemporaine pour les adapter à notre style de vie d’aujourd’hui. Par exemple, tous les manteaux et vestes ne sont pas doublés, et les vestes comportent des pièces en véritable cuir comme les patches aux manches – des détails raffinés de très haute qualité qu’on trouve rarement dans le prêt-à-porter où tout est synthétique. Je propose des lignes inspirées par les coupes de grands tailleurs, beaucoup plus nuancées et ajustées que dans le prêt-à-porter. L’attention portée aux détails et à la qualité des tissus ainsi que la fabrication artisanale sont primordiales.

Qu’est-ce qui ne manque jamais dans votre valise ?

Dans ma valise, je mets toujours un costume, bleu en général, et une combinaison pantalon blanc ou écru avec une veste de sport. Ces deux tenues de base me permettent, en les combinant de différentes manières, de disposer d’une demi-douzaine de looks, auxquels j’ajoute des chemises, cravates et pulls. Cette approche me permet de voyager léger mais d’être bien habillé en toute circonstance.

Un conseil de style ? 

C’est la qualité et pas la quantité qui compte. Il vaut mieux acheter un seul beau costume artisanal ou une seule belle paire de chaussures faite à la main que beaucoup de choses de mauvaise facture que l’on jette rapidement. C’est mieux pour l’environnement mais aussi pour le budget et le style. Je préfère des vêtements intemporels car on peut les porter pendant des années voire des décennies et, s’ils sont de bonne qualité comme ceux de ma marque, ils peuvent même devenir plus beaux avec le temps, en se patinant joliment, comme un manteau en poils de chameau, une veste en tweed…

Propos recueillis par Karine Patricola