A Rueil-Malmaison, ce jeune de chef aux commandes du restaurant étoilé Ochre cultive une cuisine exigeante, sans tintamarre inutile, se concentrant sur le bon produit de saison. On s’y régale et la gentillesse des équipes est proverbiale !
Les produits soigneusement sourcés, la belle sélection de vins et les menus bien pensés de Baptiste Renouard font le succès de ce restaurant (ouvert en 2019) couronné en 2021 d’une étoile au guide Michelin et dont l’engagement durable est 100% assumé. Attachante et sincère, la table atteste de la créativité du chef qui y affiche son attachement à l’émotion du goût, la compréhension de la matière et la rigueur. L’homme qui aime faire sa cueillette d’herbes sauvages sur l’île des impressionnistes à Chatou questionne les couleurs ainsi que les essences en tournant autour du produit et en n’ayant jamais peur du déséquilibre. Son beau parcours atteste d’une belle soif d’expériences (L’Escargot 1903 à Puteaux avec Paolo Boscaro, Frédéric Simonin, Lasserre avec Jean-Louis Nomicos, L’Atelier de Joël Robuchon, Le Laurent avec Alain Pégouret …) Connu des fidèles pour ses « monochromes olfactifs » et sa cuisine axée sur le végétal, il explore au sein de son « laboratoire », installé du 1er étage, les possibilités du goût entre fermentations-maison, vinaigres de whisky, kombucha, miels sureau et aromates.
A notre arrivée, l’accueil par le chef de rang Baptiste Leroi et le directeur de salle et sommelier Théotime Dordain est particulièrement engageant. Ce dernier nous annonce que le chef prévoit l’ouverture d’un bistrot chic baptisé Sienne à Saint-Cloud en févier prochain. On part sur le cinq actes. Le canapé très « floral », à la feuille de figue, pamplemousse et poudre d’algues nous ravit ainsi que le maïs en déclinaison huile d’amarante, citron confit et fleur de souci. Le bonbon d’ail rose confit au cidre et chapelure de pain grillé, suivi de l’amuse bouche en glace au miso et kaki fermenté, émulsion de cresson , nous ouvrent l’appétit. C’est bien parti. Ici, le pain de Mérouan Bounekraf, on le coupe en cuisine et on le rompt à table. On débute officiellement avec les fameux Gnoccis, habile déclinaison autour de la courge.
Le plat 100% courges et potimarrons, pâte de graines de courges torréfiées, est réconfortant. Le sommelier suggère un vin Corse au terroir balayé par les vents marins qui livre une belle minéralité et salinité. On a au palais des fruits exotiques presque pétroleux et de jolis amers. Ceci se marie parfaitement à la sauce coulis d’oignons de Roscof citron jaune et jus de butternut centifugé. La liaison avec la matière grasse est réussie dans un sucré nature rafraîchissant. Le second vin, qui fait l’accord sur les sublimes « coquilles comme un civet aux arômes purpurins », nous fait voyager en Anjou sur ses sols de schiste. Son cépage Pineau d’Aunis antique (supprimé durant la crise du phyllloxera) bouleverse de plaisir et c’est exactement ce que l’on veut.
Des saveurs aussi plaisantes que détonnantes.
On a un magnifique fruité en bouche et beaucoup de profondeur qui travaillent sur un sans faute avec la Saint-Jacques de la baie de Quiberon enveloppée en rose en céleri boule, cuisson dans une croûte sel romarin épices. On savoure cette gourmandise d’un lard de Colonnata dans une végétalisation de l’assiette avec herbes Sakura Cress shiso poudre marjolaine. Le coulis de mûres lacto fermenté et la sauce civet nous projettent dans une explosion de saveurs aussi plaisante que détonnante. On est à mi-parcours quand survient l’intrigant plat « L’une trouve l’autre » qui est une pure merveille et nous dit dans son intitulé que le groin du cochon gave la truffe. Le chef met en réunion oreille, pattes et groin du cochon sous ses aromates de thym et romarin, un râpé de parmesan châtaigne et truffe.
La réduction de porc à la cuisson et vinaigre de xérès enchantent tous deux les papilles qui accueillent un noble Chinon de la Vallée de la Loire. Nous sommes entre Tours et Angers avec ce 100% Cabernet Franc (gardé cinq ans en cuve béton et 3 ans en bouteille) qui partage avec nous ses notes végétales de poivron et de fruits des bois. Le pré dessert, vrai enchantement, se présente sous la forme d’une poire noire travaillée en glace à la cardamone, citron noir d’Iran et ail noir. Quand arrive le dessert, répondant au nom poétique de « Souvenir d’un chocolat chaud », on sait que cet instant sucré sera un chavirement des sens : siphon chocolat 55%, fleur de sel, beaucoup beurre, brioche façon pain perdu, strudel et glace brioche toastée. Un Cidre à la châtaigne du Sud du Morbihan nous emplit de joie. En quittant cette adresse, on se dit que le sommelier comme le chef sommelier savent rendre hommage aux producteurs hexagonaux : ceux figurant sur le menu imprimé et apparaissant sur la carte des terroirs France, mais aussi au-delà. On pense à la mention en bas de page, citant l’Espagne et son caviar écologique Riofrio, premier caviar bio du monde ! www.ochre.fr
Journaliste spécialisé en art contemporain et design, Clément Sauvoy est également commissaire d’exposition et collectionneur.
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