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Café San Francisco, envolée hispanisante

A l’orée du Village d’Auteuil, cette ravissante adresse tenue par Gabin Jarry prolonge une histoire née en 1948. La carte laisse place à des plats de tradition espagnole dans un esprit brasserie fort plaisant. EDGAR s’est rendu sur place et vous raconte !

Plaire au plus grand nombre sans délaisser la qualité et tenir les prix à la carte n’est pas une mince affaire surtout dans ce périmètre populaire du 16ème arrondissement de Paris. Connu pour sa seconde adresse parisienne Les Coltineurs, ce chef trentenaire imprime son attachement à l’authenticité et à la générosité dans l’assiette. La saison dicte la carte et se présente comme l’éloge du « classique bien fait ». Au Café San Francisco, se joue un scénario dont l’histoire remonte à la fin des années 40. L’établissement d’alors, de facture italienne,  fut une institution bien connue des médias et du showbiz jusque dans les années 70. A notre arrivée, nous sommes reçus par Gabin, preuve que le patron « incarne » les lieux. C’est un très bon début et une élégante entrée en matière. Le chef-gérant, nous dit-on, est attaché à cette tradition bistrotière de l’échange et d’une parfaite lisibilité dans son identité. C’est ce que la clientèle de quartier recherche. Des plats addictifs oui mais de la proximité et de la décontraction pleine d’esprit avant tout. La boiserie sablée du décor porte l’empreinte d’un style Renaissance espagnole sans être clinquant ni suranné. Dans cette atmosphère un brin désuète, on est sur une formule 50 couverts midi et soir 5 jours sur 7. On ouvre le bal avec les croquetas de pata negra servies par trois. On entre dans la partition de la « casa espagnola » avec le must du cochon ibérique classifié « bague noire ». Notre appétit se met illico en ordre de marche et l’on pense soudainement à des souvenirs de saveurs passées évoquant de mémorables sobrasada ou  quelques inénarrables salsa picadillo.

De tendres réminiscences de jeunesse. Coté vin ? Un sympathique Solaz Verdejo, blanc vif élaboré avec ce cépage autochtone venu de vignes sur sols riches en minéraux et soumis à de nombreuses heures d’exposition solaire et des nuits fraîches. Ces conditions donnent un vin facile à boire doté d’une grande fraîcheur et d’une acidité idéale pour accompagner notre entrée. Le service sourire aux lèvres, face à la cuisine ouverte sur la salle, est fort agréable car naturel et sans posture. Arrivent ensuite les poivrons confits à la braise et boquerones. Cette surprise du chef nous va droit au coeur. A noter que les filets d’anchois de Cantabrie ont trouvé ici leurs fidèles attachés à ce péché de pure gourmandise. Il est temps de passer aux choses sérieuses avec le fameux poulpe à la braise salsa mojo roso. L’adresse revendique sa cuisson de feu grâce à son magnifique Kamado XXL que l’on aperçoit derrière les fourneaux. La sauce faisant virevolter pincée de cumin, gousses d’ail, poivrons et piments rouges nous renvoie à la poésie culinaire des îles Canaries et à ses promesses épicées. Pour accompagner ce plat de partage, on nous propose un superbe Arroze Negro (riz cuit au fumet de poisson et encre de seiche) ainsi qu’un aimable Chan de Rosas Clasico de la région de Galice. Ce joyeux nectar à la robe jaune paille aux reflets verts brillants livre des arômes fruités associant fruits à noyaux, poire, pomme et fleurs. L’acidité est rafraîchissante. On décèle un léger amer sous des notes salines croquantes et minérales. La structure est intéressante. Plus on progresse dans notre déambulation gustative plus on remarque que la signature du chef se veut une déclaration d’amour à la tradition bistrotière d’Espagne.

On plonge ensuite dans la séquence très attendue de la fabuleuse Txuleta « Galice » maturée. Cette côte de bœuf à partager avec les patatas fritas nous dit pourquoi l’établissement depuis son ouverture, il y a un an, ne désemplit pas. La cuisson irréprochable livre une viande d’une divine tendresse fondante sous la langue. Le chef nous suggère, pour sublimer ce moment exceptionnel, l’engageant Placeres Sensoriales. Cultivé en Rioja Alta, où la fraîcheur de l’altitude favorise le développement de fruits éclatants, ce vin est issu d’un domaine privilégiant les petites cuvées qui expriment pleinement le terroir. Fermenté avec des levures indigènes et élevé brièvement en cuve béton, ce Rioja 100% Tempranillo frais et non boisé met en valeur la pureté et la finesse. Quand sonne l’heure du dessert, on mise sur deux recommandations sucrées de choix. D’une part, la réconfortante Tarta de queso al limon, un succulent cheesecake espagnol en tous points enveloppant. D’autre part, les ineffables Leche Frita, beignets au lait, cannelle et fleur d’oranger. Pour clore ce moment en beauté, impossible d’échapper à l’expérience de la Torrija caramelizada (une brioche perdue qui fait ici figure d’incontournable) avec une Licor des Herbas. En quittant les lieux, on se dit que l’entrepreneur autodidacte Gabin Jarry a les idées claires en tête et fait décidément du très bon travail avec ses équipes dans ce lieu chargé de bonnes intentions. Il établit avec brio un pont culturel entre la France et l’Espagne sans se limiter à de généreuses tapas. Une adresse au service du bien manger où l’on se sent particulièrement bien. N’est ce pas finalement l’essentiel ?

www.cafe-san-francisco.com