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Steven Som, cuisine sous accents

A deux pas des Invalides, ce chef exécutif accompagnant la partition de Rémi Poulain nous emballe avec ses plats jouissifs et hautement créatifs. La partition sommelière, brillante et dans le bon entrain, vaut le détour car le panache y est juste et flamboyant. EDGAR a donc pris, sans attendre, la direction de l’Escudella  !

Nous avions fait l’expérience, il y a un an de ça, de la seconde table l’Evadé du chef Rémi Poulain et le souvenir fut mémorable. Curieux d’en savoir davantage sur sa cuisine du coeur (célébrant le moelleux, le croquant, l’épice et la texture), nous avons pris la direction de l’avenue de Ségur pour s’attabler au numéro 41. Nous sommes accueillis par le directeur Laurent Dechaume (ex directeur de la restauration du Christine) avec un sourire sincère et engageant qui semble nous dire que nous allons vivre ici un moment rare et privilégié. L’homme, comme nous, défend l’idée qu’il faut partir du verre pour aller vers l’assiette et qu’à ce titre la carte des vins doit savoir se tenir. Nous parlons le même langage et sommes impatients de nous lancer dans l’excitant menu Dégustation. Nous sommes dans un périmètre de gourmets, entre de l’Unesco de et le groupe Médiawan, et cet établissement de 40 à 60 couverts (avec terrasse) accueille une clientèle d’affaires et régulièrement quelques ministres nous dit-on.

On ouvre le bal avec le célèbre pâté en croûte (oignons rouges au porto, farandole de pickles, volaille de Bresse et morilles au vin jaune) qui est ici une religion. Le chef participera, l’année prochaine, au championnat du monde de la discipline. C’est dire ! Dans le verre ? On débute avec un sans faute sous les auspices de l’entrainante cuvée 746 du champagne Jacquesson. C’est très bien parti et l’on entre véritablement de plain-pied dans notre exploration culinaire avec l’élégant ceviche de saumon, avocat et framboise. Le plat, exaltant, nous emporte avec son aneth et jus de rhubarbe. Pour l’accord, on est extrêmement gâtés avec l’arrivée, en fanfare, du Clos de la Coulée de Serrant 2018. Ce vin à la robe jaune doré présente un nez d’une grande délicatesse ouvert sur des notes florales, minérales (silex chaud) et citronnées. Une entrée qui ouvre agréablement l’appétit. Mais il est déjà temps de convoquer le plat de poisson qui suit. Car le chef a prévu quelque chose de grand : son turbot rôti sur arrêtes, sauce grenobloise, émulsion piquillos et crème ail de l’ours. C’est une vraie « dinguerie » comme dirait la génération Z ! N’oublions pas surtout les garnitures qui nous comblent avec un bouquet d’haricots verts, pois croquants et asperges sauvages. Pour la soif ? Laurent tient toutes ses promesses en nous livrant un savant bijou et nous en sommes très reconnaissants : Le Meursault-Blagny 1er Crû Monopole La Genelotte 2018 du Domaine La Comtesse de Chérisey.

Nous sommes projetés sur un nuage de tendresse

Ce magnifique millésime à la robe diaphane séduit d’emblée avec sa fraîcheur exceptionnelle qui s’élève du verre et cette sensation de pureté cristalline. Au nez, on a de petites fleurs blanches juste écloses, comme le tilleul. On perçoit aussi un parterre de violettes, encore mouillées de la rosée matinale. Sans oublier quelques éclats scintillants de roche calcaire. Au palais, on savoure cette empreinte minérale raffinée si typique de ces coteaux. Les herbes fines sont là également. Projetés sur un nuage de tendresse, nous revenons à notre dégustation dans l’assiette pour entendre désormais le récit du canard des Dombes rôti sur coffre, cuisse désossée et sauté au beurre maître d’hôtel. C’est un moment de grâce, qu’on se le dise, surtout avec ce remarquable jus de cerise qui se joint naturellement à la courgette grise juste snackée, condiment cerise, coriandre et citron. Pour le paring, on est condamnés à dégainer le meilleur (évidemment) et ce seront les divines Brunes du Domaine Les Creisses 2022. Cette grande cuvée est issue de Cabernet Sauvignon et de Syrah, plantés sur un terroir argilo-calcaire puis de Mourvèdre, situé sur une colline basaltique, exposée plein sud. Au regard, la robe est pourpre, soutenue, presque opaque, aux reflets violacés.

Quant au nez, riche et concentré, ce dernier offre un bouquet de fruits noirs (cassis), d’épices et agrémentées de nuances vanillées. Ce vin de la vallée de l’Hérault, au potentiel de garde énorme, est franc sur l’attaque en bouche, puis dévoile toute sa richesse et sa concentration. La matière est structurée avec des tanins serrés, mais à parfaite maturité. L’expression aromatique joue sur une palette de fruits noirs et d’épices. La finale, sur ce bouquet aromatique éclatant, est longue et puissante. A l’heure du dessert, nous tournons le dos à la culpabilité pour lui préférer l’abandon de soi autour des profiteroles glace noisette du Piémont, praliné et émulsion chaude au chocolat. Ajoutez à cette première merveille (soyons fous), l’île flottante, crème anglaise à la pistache, caramel au beurre salé, tuile caramel croquante, chouchous de pistache. C’est un peu comme si nous assistions, ébaubis, à l’ouverture des portes du paradis. Et pour consacrer au mieux cette plaisante apparition, nous tremperons nos lèvres dans le grisant porto Ramos Pinto, puis le vieux Pinault des Charentes de chez Lheraud avant d’entendre le chant singulier du Crillon des Vosges de Michel Lemoine. En quittant les lieux, on se dit que nous avons été reçus de manière princière et que, de la cave aux fourneaux, les hommes et les femmes, étaient au diapason comme animés d’une même passion. Il y a des jours comme ça qui se passeraient presque de tout commentaire. Tant la vie est belle !

www.escudella.fr