Alliant discrétion et générosité, sa vision éclairée de la gastronomie brossant les ingrédients dans le sens du poil, a été récompensée d’une seconde étoile. Ce chef-auteur autodidacte compose des paysages dans ses assiettes où sont mis en vedette des produits d’exception. EDGAR a gouté sa table !
Ses fourneaux ouverts directement sur la salle et les convives est constitutive de sa vision généreuse et conviviale de la gastronomie. En effet, le chef charismatique Bruno Verjus, qui a ouvert son premier restaurant au mitan de cinquantaine, imagine un univers gourmand établi sur la spontanéité et un amour absolu des produits dans un amour filial de la cuisine. Son ascension vers les sommets de la haute gastronomie est détaillé dans son passionnant ouvrage L’art de nourrir chez l’éditeur Flammarion. On comprend, à sa lecture, toute la poésie qui anime cet entrepreneur génial où tout est cuisiné à la minute dans un respect des artisans qui ont participé en amont à la naissance de l’assiette.
En effet, l’approche de ce « passeur de goût » établi au 3, rue de Prague à Paris, qui ne quitte ses casseroles que pour rendre visite à ses fournisseurs, détonne et va droit aux cœurs des amoureux d’une cuisine d’excellence sans arrogance ni posture. Par ailleurs, sa philosophie exemplaire du « bien manger » et du partage qui vibre et décloisonne, a été récompensé de l’élégante étoile verte pour son caractère durable. On prend toute la mesure de cet engagement dans la découverte extatique au menu sur-mesure du bouleversant « Brocéliante » : légumes cultivés et sauvages, en saveur douce et tiède, plantules, feuilles et fleurs. Harmonie d’herbes infusées et printanières.
Homard à croquer « presque » vivant sur son rocher.
La suite baptisée « A bouchées douces » révèle le merveilleux Thon rouge atlantique à cru, tarama table, cerises infusées d’hibiscus. Tout en fraîcheur ce plat tendre et vertueux de l’instant trouve toute son expression dans le Champagne délicat et expressif de Pascal Doquet Arpège Premier Cru Blanc de Blancs. On prolonge l’expérience culinaire avec le plat-signature Homard à croquer « presque » vivant sur son rocher : mi-cru-mi-cuit, Homard de casier cardinalisé au beurre clarifié de vache Rouge des Flandres infusé de ses carapaces grillées, jeunes pois chiches, rémoulade de d’orties sauvages et câpres de Salina. Jardin marin.
La franche dégustation s’accompagne, sous la belle recommandation avisée sans chichis ni froufrous du sommelier, d’un Nuits Saint George Village 2020 d’Antoine Lienhardt qui couronne les dernières asperges de saison. On clôt cette explosion de saveurs, témoins de la richesse et de l’énergie de nos terroirs, sur le désormais légendaire Tartelette chocolat, câpres de Salina et caviar osciètre – Chocolat Madagascar de François Pralus, caviar Osciètre de Antonius. On sort de cette adresse, pensée comme un lieu de culture, en ayant la certitude que le chef ne quitte jamais de vue le vivant et que l’art des découpes magnifie ici le produit au plus près de la nature. Bruno Verjus a eu mille vies et c’est dans l’assiette qu’ils nous les fait partager. Du grand art.
Journaliste spécialisé en art contemporain et design, Clément Sauvoy est également commissaire d’exposition et collectionneur.
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