Grâce au soutien de la fondation Luma, la cinquième édition hivernale, « Interstices » s’est tenue du 3 au 5 février dernier à Gstaad et ses environs. Au programme ? Des œuvres-installations in situ en format XXL et des performances à couper de souffle signées par dix artistes de renommée internationale. Un rendez-vous d’élite « outdoor » en très haute altitude !
La simple liste des artistes invités à de quoi mettre en émoi tout passionné d’art : Silva Agostini, Tarek Atoui, Simon Beck, Salomé Chatriot, Serge Attukwei Clottey, Mimosa Echard, Fabrice Gygi, Jon Rafman, Michele Rizzo et Michael Wang… En effet, le lumineux commissariat en duo de Neville Wakefield (connu pour le célèbre programme Desert X) et d’Olympia Scarry a capté l’attention du petit monde de l’art venu des quatre coins de la planète pour découvrir ces projets sidérants explorant le fossé existant entre les limites du corps humain et le champ coercitif de son environnement matériel. Dans des panoramas de rêve à couper le souffle, cette brillante édition de Elevation 1049 a notamment révélé les œuvres du Brésilien Ernesto Neto marquées par des rituels chamaniques portés par la samba « Healing Bug Acupun Earth ».
Ses installations sculpturales décrivent une ligne invisible reliant les creux littéraux de l’existence sur un territoire allant du sommet de la montagne au fond de vallée. En écho à cela, et jouant sur le côté sombre de la dualité « mythique-existentielle », la gestuelle improvisée de Tarek Atoui s’incarne dans les sons et l’énergie tellurique de la glace qui craquelle au coeur d’une patinoire. Dans un registre différent, on est saisi par le travail de l’américain Michael Wang convoque lui le côté obscur de la rotation lunaire à travers les cycles de l’astre, tandis que Fabrice Gigy se frotte à l’épreuve du feu. Ailleurs, au milieu du silence assourdissant des sommets alpins, des accents de Wagner pénètrent de leur orchestration des camions à neige sous l’inspiration de Silva Agostini (Photos ci-dessus : Torvioll Jashari) tandis que le récit filmique sombre basé sur l’intelligence artificielle de Jon Rafman rappelle un jeu vidéo joué par Hieronymus Bosch avec l’accompagnement en direct de Hampus, un joueur d’orgue virtuose au cœur d’une petite église.
Des explorations multi sensorielles
Enfin, les dessins éphémères à grande échelle de Simon Beck évoquent l’empreinte tectonique sur la grandeur vierge du paysage naturel, tandis que Mimosa Echard choisit l’intimité d’un sauna pour explorer une alchimie née de larmes, de sueur et de liquidités sonores. Aux côtés de ces explorations multi sensorielles de l’espace entre les choses, on retrouve la troublante performance de Serge Attukwei Clottey reliant les sommets enneigés aux rivages de son Ghana natal sous la question des migrations. Au cœur de l’aéroport de Gstaad, on se laisse traverser dans la foulée by night par l’invocation de Michele Rizzo sur fond de culture rave sous la suggestion d’une envoûtante chorégraphie aux accents cathartique.
Bilan : on aime la proposition globale de cet événement artistique de haut vol sous l’égide de la mécène et fondatrice de la Fondation Luma Maja Hoffmann qui interroge à ciel ouvert les espaces interstitiels qui existent entre le caractère spectaculaire du paysage alpin et le monde scintillant des rêves. Ici l’espace et le temps se fondent comme par magie dans la mémoire et le mythe. A noter que cette cinquième édition hivernale d’Elévation 1049, Interstices, caractérisée par un très on crû, sera la dernière édition d’un cycle. Mais reste toujours en suspend l’évolution future du projet sur Gstaad et St. Moritz entre juillet et septembre 2023 !
Journaliste spécialisé en art contemporain et design, Clément Sauvoy est également commissaire d’exposition et collectionneur.
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