
A Wingen-sur-Moder, cette institution alsacienne qui a fêté, il y a trois ans son centenaire, accueille une table doublement étoilée célébrant une cuisine d’émotion, un hôtel 5 étoiles dans un parc féérique, une manufacture et un musée dédiés aux prouesses des arts de la cristallerie. On s’est rendu dans ce cadre somptueux doté d’une âme et d’une aura singulières. Le temps d’un weekend !
Lorsque l’on séjourne au cœur de cet écrin de verdure du Bas-Rhin peuplé d’arbres centenaires on comprend aussitôt que Lalique, ce n’est pas simplement des carafes au raffinement infini, des vases aux lignes parfaites et du mobilier à l’élégance inimitable mais que c’est une bulle dédiée à « tous » les arts de la table et bien davantage encore. C’est un univers éclectique d’une richesse infinie qui perce derrière chaque détail (cabochons, incrustations, laques transparentes, bois précieux, broderies..) dans une veine avant-gardiste omniprésente. On sait de manière très confidentielle que l’artiste-star et esthète Damien Hirst – auteur des désormais célèbres panneaux incrustés de papillons comme fossilisés – y aurait apprécié l’atmosphère de paix si particulière qui règne dans son parc mais aussi le remarquable restaurant créé par l’architecte suisse Mario Botta (qui a conçu également le musée Tinguely à Bâle) mais surtout la cave exceptionnelle de près de 2500 références et 20.000 bouteilles dont la moitié provient de la cave personnelle du propriétaire Silvio Denz (propriétaire également en bordelais des Châteaux Faugères et de Lafaurie-Peyraguey).
Rappelons ici que sévit, dans ce temple de verre, le grand Romain Iltis consacré Meilleur Sommelier de France en 2012 puis Meilleur Ouvrier de France Sommelier en 2015 avant d’être nommé Directeur vin de Lalique Group et sommelier au palace Villa René Lalique. D’autres visiteurs viennent ici simplement pour goûter à quelques trésors culinaires et plats devenus signatures qui ont fait la réputation des lieux et qui nous dit que l’ancienne demeure de René Lalique, joaillier le plus en vue du tournant du siècle dernier, recèle de secrets jusque dans l’assiette. Les gourmets viennent chercher ici les compositions du chef Paul Stradner, accompagné d’une brigade de 15 personnes, qui a fait ses armes en Allemagne et en Autriche. Formé aux cotés de Jean-Georges Klein à l’Arnsbourg puis aux commandes du restaurant du Brenners Park Hotel l’iconique palace de la cité thermale de Baden-Baden, ce chef a su reprendre le flambeau tout en s’entourant d’une équipe exceptionnelle accueillant en son sein le brillant chef pâtissier Nicolas Multon. Ce dernier épate régulièrement ses visiteurs avec son merveilleux Fraise-Sapin Abies Lagrimus rendant hommage à l’oeuvre de Vassily Kadinsky. Au rang des plats phare où l’épure et la quête du simple sont les seuls maître-mot : l’oeuf parfait à l’oseille (sake, agrumes du Domaine Baches), la déclinaison de carottes (orange et kimchi), le kartoffelnudeln (escargots, persil, raifort), le haricot plat (olive, fève, sarrette), les ormeaux de plongée (caviar osciètre, écume iodée, chou fleur), la barbue (amande, oignon crevette, pursha), l’asperge (pomelo, sureau), l’épaule de lapin (poivron confit, sauce paprika doux, jeunes pousses de salade, râble de lapin séché et fumé)…. Autant de créations ciselées marquées par l’inventivité et l’amour des plus beaux produits au cœur de cette vitrine gustative et artistique hexagonale d’exception.
Derrière la magie de la transparence du cristal le fascinant contraste verre transparent-verre satiné et la célèbre finition satinée-repolie du cristal entre ombres et lumière, c’est tout un style porté un art de vivre « à la française » qui préside ici. On pense aussitôt à la force d’un destin, celui qu’a forgé en son temps René Lalique le grand joaillier de l’Art Nouveau et fameux maître verrier de l’Art Déco. Ceux qui ont embarqué un jour à bord du mythique Venice Simplon – Orient- Express connaissent ce raffinement ultime de la période Art Déco au sein des cabines d’époque et les magnifiques panneaux de verres signés Lalique. Plantée au cœur d’un parc de six hectares, la bâtisse historique (située près de la manufacture de cristal datant de 1921 et du Musée Lalique né en 2011), offre un environnement extérieur simple et bucolique. Après une période d’abandon, cette dernière a connu en 2015 une renaissance sous la houlette de Silvio Denz, à l’époque PDG de Lalique. Naîtra alors un iconique hôtel 5 étoiles accueillant six suites à la décoration unique signée par les architectes Lady Tina Green et Pietro Mingarelli. On retrouve à l’intérieur de chacune d’elle fameux les motifs emblématiques : le dragon, l’hirondelle, le dahlia, le masque de femme… On a conscience d’évoluer véritablement en Terre Lalique dans une nature préservée au cœur du parc naturel régional des Vosges du Nord. A faire sur la place, l’enrichissante expérience sophrologique-thérapeutique forestière.
Ce voyage au Pays du Verre nous évoque à chaque pas l’esprit de la modernité dans l’excellence du monde verrier rendu possible grâce à l a présence de l’argile, du bois et du sable. Faisant partie de l’association Relais & Châteaux et des Grandes Tables du Monde, la Villa René Lalique, perpétue la tradition tout en écrivant chaque jour son histoire marquée par la conviction que le beau doit être accessible à tous, et par conséquent que l’objet reste fonctionnel. Si historiquement, la maison Lalique était connue pour ses services de table par le biais des carafes, les modèles Cep ou Langeais qui déclinaient ensuite des verres dans la même collection, de grandes évolutions ont définis de nouveaux chapitres avec notamment l’arrivée en 2019 d’un service de Barware, nommé le Wingen, complétant l’offre pour accompagner tous les instants de dégustation face à une demande qui ne cesse de croître.
Un savoir-faire unique acquis depuis plus de 130 ans.
La collection 100 Points, créée en collaboration avec James Suckling (célèbre dégustateur américain) décline tous les verres de la table, du shooter au verre à eau en passant bien entendu par différents modèles pour le vin. Derrière ces nouveautés on pense à une stratégie et une vision incarnée par Marc Lalique qui, durant l’après-guerre, a décidé d’évoluer vers le cristal, en prenant alors la direction d’un marché plus haut de gamme, qui valorise mieux le savoir-faire unique acquis depuis plus de 130 ans.
Dans ce prolongement Silvio Denz, actuel PDG, a su apporter une complémentarité de différents univers et de compétences avec les bijoux, le parfum, les objets, l’art, l’architecture et l’hôtellerie-restauration, qui offrent une nouvelle dynamique et permettent aux clients de vivre une expérience dans une globalité au faste modéré. Impulsé un nouveau souffle, la maison l’a prouvé à maintes reprises avec notamment des collaborations qui ont fait date avec Damien Hirst (dont on peut admirer les 14 papillons encastrés dans un mur rétroéclairé), l’architecte Zaha Hadid qui a signé une série de vases ou encore le musicien Jean-Michel Jarre qui dessina une enceinte. On ne rechigne jamais devant de nouvelles expérimentations, quitte à bousculer les strictes définitions de l’art et de l’objet d’art. Au sortir de notre féérique nuitée on ressent comme un charme d’antan qui nous dit que l’auguste Villa Lalique jouit d’une éternelle jeunesse et que cette destination exaltante vaut le détour à plusieurs titres ! www.villarenelalique.com

Journaliste spécialisé en art contemporain et design, Clément Sauvoy est également commissaire d’exposition et collectionneur.
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