Nouveau rôle fort pour l’attachante comédienne belge. Dans La Passagère, elle joue une femme marin-pêcheur qui s’éprend du jeune apprenti venu les aider, elle et son mari, sur leur bateau. Un film à la fois simple, intense et troublant.
Chiara est une femme mariée attirée par un tout jeune homme. Qu’est-ce qui vous a séduit dans un tel personnage ?
Son irrévérence, sa liberté. Jusqu’à maintenant, mon registre, c’était souvent la fille sympa, positive. Chiara, elle, est une femme indocile, un modèle d’émancipation. C’est important pour moi de donner des modèles de femmes pour qui le bonheur prime sur tout. Je trouve cela galvanisant.
Il y a plusieurs scènes sensuelles avec le comédien Félix Lefebvre. Est-ce compliqué pour vous une telle intensité, cette intimité exposée à l’écran ?
Héloïse a été très consciencieuse. Nous en avons beaucoup discuté ensemble. Sur ce que je voulais et ne voulais pas donner de mon corps. Ce que je souhaitais montrer ou non. C’était très important pour elle de respecter notre bien être à Félix et à moi. A partir du moment où vous tenez à raconter une histoire d’amour, vous convenez qu’il y aura aussi voire surtout de la sensualité et du sexe. Je suis plutôt à l’aise avec mon corps. Là, très vite, on a tout mis à plat en en discutant précisément. Et nous nous sommes mis au travail.
Votre statut de comédienne à succès vous autorise ainsi à prendre sous votre aile des « primo-réalisatrices »…
Là, en voyant les trois courts-métrages d’Héloïse, mon cœur m’a poussé à ne pas réfléchir et à foncer. Si elle avait déjà fait 200 films ou rien du tout, peu importe. D’instinct, j’ai perçu chez elle une vraie générosité. Elle est respectueuse, bienveillante. On le sent dans sa manière de diriger les acteurs non-professionnels du film. Elle a une grande tendresse pour l’humanité. Elle est dans la pureté de raconter un mélo totalement assumé. Ce n’est pas un film parisien !
Croyez-vous encore en l’avenir des salles ?
Oui, parce que j’ai grandi comme ça. Je plains les gamins qui découvrent aujourd’hui les films parfois sur leur téléphone. J’ai bon espoir que les gens continuent à se faire embarquer dans une histoire dans une belle salle, un bel écran, un bon son. Pas à recevoir un appel en même temps que vous regardez un film ! Aller au cinéma, c’est une parenthèse, un voyage dans le temps, dans l’espace. Une sensation unique au monde. Un vrai trip.
Vous avez tourné avec Jackie Chan, Arnold Schwarzenegger, Matt Damon, Vince Vaughn, également sous la direction de Clint Eastwood. Quel regard portez-vous sur votre carrière « américaine » ?
Ces projets, que ce soit sur un plan humain ou géographique, ont toujours eu un lien avec l’Europe. Finalement, je n’ai pas l’impression d’avoir vécu quelque chose de très différent de ce que j’ai pu faire en France ou en Belgique. Il n’y a pas, pour moi, de méthode de travail « américaine ». Ou alors mes expériences, jusqu’à maintenant, ne me permettent pas d’avoir un avis tranché sur la question.
Vous donnez l’image d’un actrice qui garde posément ses distances avec la profession. Sans occuper les premières lignes médiatiques. Cette discrétion a-t-elle d’une manière ou d’une autre décidé de votre carrière ?
Je pense qu’on choisit la manière dont on veut faire son métier. Je n’ai pas l’impression d’avoir perdu des rôles à cause de ça. Au contraire, les gens du métier le comprennent bien. Tout le tralala, les paillettes et tout, c’est pour le public. Les gens du métier moins. Alors, peut-être, oui, si j’avais été à telle soirée, tel événement, j’aurais rencontré un réalisateur qui m’aurait écrit un rôle rien que pour moi. Mais ce n’est pas comme ça que ça marche. Ca marche bien, c’est cohérent quand c’est un réalisateur qui écrit une histoire et que votre tête lui vient à l’esprit quand il écrit. C’est ce qu’a fait Héloïse avec son histoire. Ma tête lui est apparue. Elle n’arrêtait pas de dire à sa productrice : » Je verrais bien Cécile de France ». Elle finit par lui répondre : « Eh bien, envoie-lui ! » C’est aussi simple que ça…
N’avez-vous jamais ressenti le besoin d’être plus exposée ?
Non. Si des réalisateurs ont envie de travailler avec moi, il leur suffit de regarder mes films. Ils s’en fichent un peu de la médiatisation. Je leur fais confiance. Les producteurs sont peut-être plus cartésiens dans leur choix : il leur faut jauger si une comédienne est populaire ou pas. Mais je n’ai pas trop envie de m’en soucier. Je continue à me laisser porter par les rencontres, les envies des gens de travailler avec moi, le plaisir de nouvelles collaborations. Jusqu’à présent, je n’ai jamais ressenti plus que ça le besoin de me montrer.
Que vous reste-t-il à faire ? Une envie particulière ?
Je ne me pose pas la question. Je n’ai jamais fonctionné comme ça parce que j’ai toujours eu la chance d’avoir un truc qui me tombe dans les mains et qui ne me tombent pas des mains et qui, justement, me passionnent. D’autres fois, je me bats pour qu’un film existe. Ce qui m’importe c’est la qualité d’un projet et de son personnage.
Et si un de vos deux enfants rêve de devenir acteur, que répondez-vous ?
C’est lui qui décide. Je n’ai pas à donner mon avis. Si jamais il me le demande, nous en parlerons tranquillement. Même si mon avis sera toujours subjectif. Si le désir est très fort, que c’est une passion, je ne vais certainement pas abîmer cette chose précieuse qui peut naître dans le cœur d’une jeune personne. J’aurai surtout très envie de me taire. Je me garderai de donner de vieux conseils de vieille actrice. Moi, ce métier me rend tellement heureuse. C’est mon équilibre. Il faut que je fasse au moins un film par an sinon, je suis triste. c’est une sensation tellement enivrante et joyeuse. Si c’est un vrai désir profond comme le mien, alors il faut que ce désir puisse s’exprimer.
Photos : Laure Chichmanov
La Passagère d’Héloïse Pelloquet avec Cécile de France, Félix Lefebvre, Grégoire Monsaingeon… Sortie le 28 décembre.
Signature « historique » d’Edgar pour le cinéma, lecteur insatiable, collectionneur invétéré d’affiches de séries B et romancier sur le tard (Le Fantôme électrique, éd. Les Presses Littéraires).
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