Ouverte il y a huit ans, cette table référencée au Michelin propose les plus belles viandes d’Amérique Latine dans un environnement où règne une âme au service d’une gastronomie diablement argentine. Un pur bonheur !
Bien davantage que de la haute bistronomie, Biondi est un repère pour amateurs de belles saveurs émanant d’une cuisine carnassière et de nobles produits d’exception qui enflamment l’assiette grâce à quelques trouvailles venues directement du marché. On sait que le chef (Photo Crédit @lephotographedudimanche) s’approvisionne en légumes chez Annie Bertin et auprès de l’artisan-boucher Michel Brunon pour la viande et chez Hardouin pour les fromages. A l’occasion de notre venue au pied levé, un menu Spécial, en sur mesure, a été préparé exclusivement pour nous. Nous sommes particulièrement honorés et attendons de voir, du moins vivre cette expérience unique s’annonçant mémorable sous l’égide du chef (passé par le Ritz Escofier, Alain Passard, le restaurant Yvan, la brigade du Crillon auprès de Jean-François Piège et celle de Christophe Pelé au Royal Monceau) et de son bras droit Mauro Jones. En guise de préambule, la suggestion d’une jolie terrine de volaille faite maison fait son apparition discrète. Un formidable instant de plaisir accompagné d’un subtil riesling nature Amalaya. On a une belle longueur en bouche, de la rondeur, peu d’acidité et l’arôme de l’herbe fraiche dans la province de Salta à 1500 mètres d’altitude au nord de l’Argentine. Cela nous ouvre le palais et c’est tant mieux.
La suite donne le ton avec un épatant ceviche de thon rouge, crème d’avocat et grenade. On aime la présence du yasabi qui bouscule l’avocat et ce maïs soufflé qui étonne. La liaison et le relais se formule avec un chardonnay Dona Paula 2021. Ce 100% chardonnay sec et minéral nous vient de la région de Gualtallary. On est dans la province de Mendoza où se trouvent les meilleurs chardonnay et malbec du pays. Ce vin sera aussi le partenaire idéal de la seconde entrée, un ravissant calamar à la plancha servi avec des endives confites à l’orange et une élégante mousse de safran. On est sur la couleur et l’endive nous livre toute son amertume. Comme une parenthèse, les généreuses empanadas de carne (Wagyu) et agua de tomate vibrent plaisamment sous le palais comblé. Le sommelier Lucas Alvarez nous invite, sur le plat traditionnel argentin, à déguster un merveilleux pinot noir organic 2021 du Domaine Bousquet.
La magistrale entrecôte de la Pampas.
On est la province Mendoza, qui nous fait voir la Cordillère des Andes séparant le Chili de l’Argentine. C’est très bien vu et témoigne d’une vraie ferveur. Moment décisif et sacré, la venue de la magistrale entrecôte de las Pampas (Angus) dans une grillade sous charbon nous fait voir la vie en rose et nous catapulte avec sa sauce chocolat-cognac sur des sommets de plaisir. Cette viande d’exception à la braise nous amène sur des terres inconnues et lointaines et les sérénités d’une cuisine sans génuflexions. Les saveurs en bouche explosent davantage dans un pertinent accord pensé avec un puissant Estate Malbec Colomé 2019 (salta) qui nous emmène dans la région des gauchos et de ses immenses troupeaux de bœufs élevés dans l’amour du grand air. Dans notre tête défilent les paysages étourdissants de la région des vallées Calchaquies.
Là-bas les nuits sont froides et les journées très chaudes, ce qui va « stresser » le raisin et donner au vin cet « esprit » si particulier. A l’instant fringant du dessert, on éprouve une allégresse car la ponctuation gustative ne nous a pas abandonné tout au long de la dégustation. Le délicat dulce de leche et le ravissant Mille feuilles fruits rouges sorbet framboise et crème vanille prolongent les sensations avec un flamboyant Amalaya Torrontes, riesling « duce » 2019 de Salta. Au sortir de cette très belle table, on se dit que l’on a pas fréquenté un restaurant mais plutôt « une maison » où il fait bon déguster, échanger à haute voix et saluer, au cœur de Paris, ces vins gorgés de soleil et venus de loin. Les viandes ici sont fondantes et goûteuses, dans une juste cuisson, les prix sont raisonnables et le service aux petits oignons. A la fois rustique et raffinée, la cuisine conte la splendeur de l’Argentine. Confidentielle, cette adresse portant le nom d’un célèbre clown argentin cultive le « sans chichi » d’une cuisine ouverte qui sait créer immanquablement la surprise. Il donc temps de réserver sa table !
Journaliste spécialisé en art contemporain et design, Clément Sauvoy est également commissaire d’exposition et collectionneur.
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