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Jérôme Delafosse « Tous mes voyages ne sont qu’un prétexte pour rencontrer différentes cultures… »

C’est un des membres « historiques » des Nouveaux explorateurs de Canal +. Avec Jérôme, les yeux dans le bleu, un 4 x 52 minutes, Jérôme Delafosse replonge dans un sujet qui, résolument, lui tient à cœur : l’eau et la défense de son écosystème. Il est parti à la rencontre de ceux qui se battent pour la protéger. Première destination : le Mexique.

 Remontons le cours du temps, Jérôme Delafosse. Votre premier souvenir lié à la mer ?

Toute mon enfance, je l’ai vécue à Saint-Malo. J’ai grandi aux pieds des remparts de la ville. Dans les mares, à observer tous les petits animaux qui y vivaient. Ça été ma première révélation. Et puis, le vrai grand choc est venu à l’âge de dix ans. En allant voir avec mère à l’Institut océanographique un film de Jean-Jacques Cousteau : La Baleine qui chante. En sortant, je me suis dit que c’était ça que je voulais faire et je n’ai jamais dévié de trajectoire depuis ce jour-là.

Dans un monde où, jusqu’à la « pandémie », il était de plus en plus facile de voyager, d’aller loin, est-ce plus difficile pour un documentariste de faire rêver et de retenir l’attention du spectateur ?

Il y a un paradoxe dans ce qu’on continue d’appeler le « tourisme de masse ». Les gens ont pu voyager, se déplacer, découvrir, mais sans forcément aller à la rencontre de l’autre. Tout le contraire de ce que je souhaite faire dans Les Nouveaux explorateurs. Tous mes voyages ne sont qu’un prétexte pour différentes cultures. Avec cette nouvelle saison, j’ai souhaité comprendre comment des peuples ont su préserver leur lien avec la nature et qu’ils puissent exprimer leur philosophie. L’intérêt du voyage, aujourd’hui, c’est de faire un pas vers l’autre. Sinon, cela n’a aucun sens.

Comment défendriez-vous votre projet ?

Il faut comprendre tout d’abord mon parcours. Je fais partie du « canal historique » des Nouveaux explorateurs. Mes débuts datent de 2007. J’en suis à plus de 35 documentaires aujourd’hui. Peu à peu, je me suis engagé en faveur des peuples de l’eau. J’ai pu constater l’impact de l’homme sur la nature tout comme j’ai vu des gens souffrir de cette situation. J’avais également tourné Les Requins de la colère, sur la défense des requins, pour Canal +, un documnetaire qui a eu beaucoup d’échos. Ensuite, je me suis embarqué dans l’aventure de l’Energy Observer. Avec toute une équipe, nous sommes partis autour du monde avec un bateau qui ne pollue pas et qui fonctionne aux énergies renouvelables. Ce projet m’aura pris cinq ans. J’ai tourné huit documentaires à bord de ce navire. Longtemps, explorer est resté pour moi quelque chose de personnel. Une nécessité de voyager, de m’intéresser au monde qui m’entourait. Désormais, il n’y a qu’une bonne raison d’explorer le monde : aller chercher des voix qui nous offrirons un futur plus optimiste que celui qu’on nous propose aujourd’hui.

 Le premier épisode se déroule au Mexique. Et pour les trois autres ?

Je suis également allé au Kenya, puis en Amazonie jusqu’en haut des glaciers du Pérou, autre écosystème menacé. Pour finir, en Colombie Britannique, rencontrer les autochtones, ceux qu’on nomme le « peuple du saumon ». À chaque fois, j’ai voulu montrer des gens qui n’ont jamais rompu le lien avec la nature. Ce n’est pas non plus pour vivre « comme eux ». Mais comprendre leurs motivations, comment ils se positionnent par rapport au reste du vivant. Toujours d’égal à égal. Aujourd’hui, on assiste à un effondrement de la biodiversité. À nous de réapprendre à la respecter.

 Des contraintes à cette émission ?

Aucune. Depuis que je travaille avec Canal, nous avons toujours été entièrement libres. J’ai toujours raconté les histoires que je souhaitais. J’ai une relation de confiance profonde avec la chaîne.

 « Être sur l’eau, sous l’eau, c’est pour moi un bonheur qui ne se termine jamais »

 Quelle est votre relation avec la mer ?

Très intime. Lorsque je regarde la mer, je pense déjà au lien avec mon enfance. Et puis, passant beaucoup de temps la tête sous l’eau, cela m’offre une possibilité de symbiose avec cet élément. C’est presque un recueillement. On plonge dans ses propres pensées, en harmonie, sans jamais être perturbé. Être sur l’eau, sous l’eau, c’est pour moi un bonheur qui ne se termine jamais. Ma seule crainte, aujourd’hui, c’est que ces océans meurent. Je vois de plus en plus de régions qui sont sévèrement touchées. Il est très urgent désormais de sanctuariser une bonne partie des océans pour pouvoir les préserver. C’est la seule solution.

 Le souvenir le plus intense que vous garderez de cette nouvelle saison ?

Il y a un moment qui a été très fort pour moi, c’est lorsque que je me suis retrouvé en haut des glaciers péruviens, à 5000 mètres d’altitude. Au terme d’une longue marche, j’arrive dans ces glaciers sacrés, ceux du peuple Q’eros, qui alimentent la forêt amazonienne comme les mégapoles d’Amérique du Sud. Là, vous sentez que vous touchez du doigt quelque chose d’unique, de précieux et d’éphémère.

 Faut-il garder une certaine innocence lorsqu’on voyage ?

Pas uniquement. Pour toute sa vie. Tous les jours. Au quotidien, il faut garder son âme d’enfant. Ne pas trop se prendre au sérieux. J’ai eu la chance de beaucoup voyager. Mais j’ai toujours su garder un peu de cette fraîcheur pour pouvoir emmener avec nous le public, le faire rêver, s’émerveiller. Si vous êtes blasé, il n’est plus nécessaire de partir. Chaque expérience que j’ai la chance de vivre, je cherche à la faire partager avec le public qui nous regarde.

Les Yeux dans le bleu : Le Mexique, le 10 février à 21h sur Canal +