Sur l’île Saint-Louis, l’ancien chef du Laurent impose depuis mai 2019 un exercice de style émancipé avec cette table d’avant-garde décomplexée qui bouscule les codes. Minutieuse et exigeante, sa cuisine-signature révèle un obsédé du détail attaché à la perfection dans une quête constante des saveurs et de l’émotion. Sa devise ? Rien n’est jamais acquis. EDGAR a goûté sa carte !
Au tempérament discret mais au mental d’acier, Alain Pégouret est avant tout un « artiste » qui n’a pas peur de la page blanche et qui aime relever les défis culinaires qui se présentent à lui. En atteste le parcours en flèche de ce battant. À 18 ans, il obtient son BEP de cuisine à Cannes et entre à Paris chez Jamin auprès du grand Joël Robuchon où il est chef de partie pendant trois ans. Il passe second de cuisine de Christian Constant au Crillon, qu’il suit au Violon d’Ingres, où les étoiles commencent à briller.
En février 2001, fort de sa persévérance, il prend la direction des cuisines du Laurent où il restera étoilé 18 ans. Durant cette époque, l’homme manifestera des qualités d’audace en jouant sa « propre musique » dans une partition sincère et décomplexée.
Dans son nouveau rôle, aux commandes du Sergent Recruteur, il dit conserver « l’émotion du premier jour », si bien que la première étoile arrivera que sept mois après l’ouverture de cette nouvelle adresse. Le chef se projette alors aussitôt dans une cuisine contemporaine subtile et raffinée bousculant les sens sans perdre de vue le partage et la convivialité.
A l’image de la mise en bouche séduisante envisagée avec des rillettes de maquereau moutardé. En guise d’amuse-bouche, le gourmand couscous revisité, sous tuile de semoule confirme que « la passion gastronomique » est ici un mantra. Au subtil Menu Instant de Saison (158 euros / personne avec accord mets et vins) est proposée une carte inventive en cinq plats qui incite à l’évasion dans une expérience culinaire de haute volée. Les langoustines mi- cuites, petits pois en velouté glacé, panna cotta à la citronnelle et perlines de lulo ouvrent le champ dans un pur moment de plaisir et de légèreté.
Les coups de cœur du producteur.
Le second plat s’appuie sur les « coups de coeur du producteur » avec des morilles et asperges paysannes sur une royale corsée croustillante et ail des ours, fleurette au vin d’Arbois. Dans une belle continuité, on salue la proposition bienvenue d’une volaille Culoiselle rôtie à l’ail noir sous la peau, celtuces et bimis, fleurette d’herbes fortes et thé matcha. Enfin, ce remarquable menu se clôt sur des fraises sur une dacquoise pistachée, glace riz au lait et crème légère caramel.
Hautement recommandé, le savoureux menu « Horizons » en sept étapes (menu gastronomique de sept plats proposé avec accord mets et vins à 179 euros) conçu comme un pur élan de fraîcheur et de liberté, en partenariat avec le chef sommelier Aurélien Gosse, fait la part belle aux régions françaises. A noter enfin au sortir de ce délicieux moment à table, que la décoration de cet immanquable « QG culinaire », a été signée par Jaime Hayon.
La star espagnole du design assume, au sein ce véritable pont culinaire entre Rive droite et Rive gauche, une fantaisie et un environnement visuel retro-moderne voluptueux apte à accompagner toute l’audace de cette table d’exception étoilée au Michelin. Il ne pouvait donc pas y avoir de demeure plus accueillante que celle-ci pour qu’Alain Pégouret décide d’y accrocher son tablier !
Journaliste spécialisé en art contemporain et design, Clément Sauvoy est également commissaire d’exposition et collectionneur.
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