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Vincent Lacoste en toute lucidité

A peine sortis Le Lycéen de Christophe Honoré et Fumer fait tousser de Quentin Dupieux que Vincent Lacoste enchaîne sur Le Parfum vert, sympathique thriller d’espionnage sous tutelle hitchockienne. Venu des Beaux Gosses de son « parrain » filmique Riad Sattouf, le comédien de 29 ans est devenu aujourd’hui une figure quasi incontournable d’un cinéma français en pleine remise en question. Dialogue.

Comment définiriez-vous Le Parfum vert ? Un thriller d’espionnage un peu « bobo » ?
Un peu bobo, je ne sais pas. Une comédie d’espionnage. Je pense que Nicolas Pariser (le réalisateur, ndlr) a voulu mélanger des univers qu’il aimait bien : Tintin d’un côté, Hitchcock de l’autre. Avec un côté « film des années 60 » léger que j’aime beaucoup. L’Homme de Rio avec un personnage principal névrosé.

Vincent Lacoste avec Nicolas Pariser et Sandrine Kiberlain sur le tournage du film Le Parfum Vert.

Plutôt Jean-Pierre Léaud alors…
Pas forcément. Dans la manière de me déplacer vous voulez dire ? La gestuelle, c’est moi. C’est ma façon un peu bizarre de bouger. En fait, ce qui nous faisait rire, c’était de faire La Mort aux trousses avec un mec en plein décalage, pas du tout censé vivre cette aventure-là.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de la vivre ?
J’avais adoré Le Grand jeu, le premier film de Nicolas. On se connaissait un peu. Nous sommes tous les deux de grands fans de Bob Dylan. Nous nous étions rencontrés à un concert où j’étais allé accompagner Melvil Poupaud. Je choisis généralement un film sur le nom du cinéaste. Pour un premier long-métrage, évidemment, c’est plus compliqué. Mais quand vous avez un metteur en scène confirmé, et qui a fait de bons films avant, ça devient tout de suite plus facile de lire le script.

Et si ça ne « tilte » pas avec le réalisateur ?
Il arrive qu’on me propose des rôles forts, mais si je n’ai pas confiance dans le metteur en scène, je reste persuadé que ce sera décevant. En tout cas, je n’ai jamais regretté d’avoir refusé un film. Même s’il y en a que j’ai refusé et qui, à l’arrivée, sont excellents. Excellents parce que je ne suis pas dedans !

Et aucun regret d’avoir dit oui ?
Parfois. Mais je ne vous dirai pas lesquels… Je choisis toujours un film pour les bonnes raisons, principalement artistiques. Mais cela m’arrive de mettre beaucoup d’attentes dans un projet et que le résultat me déçoive. C’est toute l’histoire du cinéma.

Vous êtes un garçon très sérieux finalement…
Je me suis toujours dit que je ferais des films que j’aimerais voir au cinéma. C’est la moindre des honnêtetés. Je reçois beaucoup de choses à lire. Je fais mon choix. Il y a des fois où je suis gourmand, d’autres moins. Là, par exemple, je n’ai pas faim du tout. J’ai envie d’être en vacances. Je viens d’enchaîner six tournages d’affilés…

En overdose ?
Non. Mais à la fin, je me suis dit que je devais arrêter. Même pour un film qui me plaît. Je n’avais plus la force. Je travaillais sur plusieurs fictions en même temps. Je tournais Le Parfum vert la nuit et, au matin, je partais terminer la série Irma Vep d’Olivier Assayas.

Êtes-vous en pilotage automatique dans ces moments-là ?
Plutôt la tête dans le guidon. C’est quand tout s’est arrêté que je me suis senti très fatigué. Sur le coup, comme ce n’était que des choses qui me plaisaient, je vivais des moments exceptionnels. Mais il faut savoir dire stop. Sinon, vous commencez à lasser tout le monde : vous apparaissez dans trop de films. En plus, pour pouvoir se renouveler, il faut vivre un peu. Quand vous tournez un film, vous êtes dans une concentration permanente. Avec très peu de temps pour soi.

Acteur, est-ce un métier pour vous ?
Non et c’est ça qui est génial. Je n’ai jamais l’impression de travailler. Je fais des choses qui me font plaisir. Ce que j’aime moins, c’est de ne rien faire, l’attente.

Et que fait Vincent Lacoste quand il ne fait rien ?
C’est là tout le problème, je m’ennuie. Et je cogite. L’acteur, c’est comme un retraité. Un retraité qui retourne au boulot de temps en temps. Deux mois de tournage et puis plus rien pendant trois mois. Alors, je fais de la guitare, je lis des bouquins, je vais me balader en forêt… Et le soir, je vais boire des coups.

Vincent Lacoste. Photo © Julien Mignot

Anxieux parfois ?
Quand je suis angoissé, je bassine mes proches, mon psy : « Qu’est-ce que je peux faire ? Je n’ai rien à faire !  » Ils me répondent de me trouver une passion. L’ennui avec ma passion, la seule, c’est que c’est déjà le cinéma. Je préfère profiter des week-ends lorsque je tourne plutôt que d’avoir trop de temps libre.

Un « problème de riches » comme on dit…
Totalement. Je ne m’inquiète pas pour mon loyer, etc. Et j’ai la chance qu’on me propose des films sur des sujets à chaque fois différents.

Et vous êtes suivi par un psy…
Depuis bien longtemps. C’est un élément incontournable chez l’acteur français. Je ne connais aucun acteur français qui n’ait pas un psy ! (Rires)

Auriez-vous pu faire autre chose que comédien ?
Absolument pas. Je n’ai jamais vraiment eu non plus le temps de me poser la question. J’avais 14 ans quand j’ai débuté. J’étais assez mauvais à l’école. Pas un cancre non plus. Mais je ne me disais pas : « Je veux être un artiste, je veux quitter l’école ! » J’étais moyen. J’aurais certainement fait un métier au rabais vu que je n’étais pas très bon en classe et un peu feignasse il faut dire…

Journaliste peut-être ?
(Il éclate de rires) Ça m’aurait bien plu ! J’aimais déjà le cinéma. J’aurais pu être critique.

Votre César du meilleur second-rôle pour les Illusions perdues a-t-il bouleversé votre carrière ?
Je ne pense pas. Ça m’a stressé au début. Même avant la cérémonie, j’étais stressé. Je m’imaginais, si jamais je le recevais, me casser la figure sur scène ou dire une énorme bêtise. En tout cas, ça m’a bien fait plaisir. J’étais extrêmement heureux. Ce qui a changé ? J’ai une belle statuette chez moi…

Où est-elle rangée aujourd’hui ?
Dans ma bibliothèque. A la vue de tous. Je ne suis pas du genre à la cacher. Pour que tout le monde puisse l’admirer. Tous mes amis veulent la toucher : « Ah, c’est lourd ! Oui, t’as vu ? On ne dirait pas…  »

Cela a-t-il demandé une grande force de caractère de sortir des rôles d’éternels ados ? Vous auriez pu vous retrouver encore aujourd’hui dans des succédanés des Beaux Gosses…
Cela a demandé des moments d’attente. J’avais 19 ans quand j’ai tourné Hippocrate. C’est le film qui a fait « changer »l’image que la profession pouvait avoir de moi : celle d’un puceau globalement. Ensuite, on m’a proposé des personnages plus dramatiques. Aujourd’hui, j’ai de la chance. je reçois aussi bien des rôles intenses que des choses plus légères. Je suis content.

Vincent Lacoste avec Juliette Binoche dans Le Lycéen © Jean Louis Fernandez

Que vous manque-t-il ?
Des rôles de serial-killer, des trucs extrêmement sombres. Tout me tente. Me retrouver à faire Jack l’éventreur ou un bon polar. Ou un poilu pendant la guerre de 14 : « Attention, ça va péter, un obus… Boum ! » (Il mime la scène)

A 29 ans, vous projetez-vous parfois en acteur vieillissant ?
Quand je me projette, c’est toujours de manière négative. J’espère ne pas sombrer dans la dépression, être oublié de tout le monde… Alors, j’essaye d’être le plus équilibré possible. C’est particulier quand même acteur, ça rend un peu cinglé. Une activité très forte pour ensuite l’inactivité. Le fait d’être très demandé et puis plus du tout. C’est pour ça que tant d’acteurs sont devenus fous ou alcooliques. C’est un métier génial mais qui fait vous poser énormément de questions. Sur votre personnage, sur la nature humaine, sur vous-même, etc. Attention, je ne me plains absolument pas !

Êtes-vous gêné par la « célébrité » ?
Non. Au contraire, ça facilite le contact. Je rencontre plein de gens. Evidemment, ça peut devenir « chiant » quand on est dans un mauvais jour… Et puis, je ne suis pas Dany Boon non plus. J’entends par là qu’il n’y a pas un type qui vient m’alpaguer à chaque coin de rue : « Hé, t’es le mec des Ch’tis ! » Moi, il n’y a jamais personne pour me dire : « Hé, c’est toi Lousteau dans Les Illusions perdues ? »

Avez-vous des copains acteurs ?
C’est un métier assez solitaire au final. Il y a un élan collectif à un moment donné qui, ensuite, disparaît totalement. Paradoxalement, la plupart des gens que je fréquente font partie du monde du cinéma. Tout comme j’ai vécu des rencontres hyper-fortes avec des personnes que je n’ai plus revues une fois le tournage terminé.

Acteur de cinéma, héros de bande-dessinée avec Le Jeune acteur 1 : aventures de Vincent Lacoste au cinéma de Riad Sattouf… Que reste-t-il à faire ? Un jouet à votre effigie ?
J’adorerais avoir ma propre figurine ! (Rires) Il faut que je propose l’idée à Riad. La bédé, j’étais vraiment content de la faire. Même si je me trouvais un peu jeune pour commencer à écrire mes mémoires. Ce qu’il y a de formidable dans mon rapport avec Riad Sattouf, c’est que nous ne sommes pas obligés de travailler ensemble pour se voir. Il a été un mentor pendant très longtemps. Maintenant, c’est comme quelqu’un de ma famille. Je sais qu’il sera à mes côtés toute ma vie. Ce qui est très rassurant. Voilà la preuve que le cinéma peut être à la source de relations très fortes.

Vincent Lacoste dans Le Parfum Vert.

Parlons avenir : que ferez-vous pour vos 30 ans ?
Une grande fête. Une énorme « teuf » pendant une semaine entière.

Et vos objectifs futurs ?
J’aimerais bien faire cent films avant mes 50 ans. Après, je prends ma retraite vu que j’ai commencé jeune… Je dis n’importe quoi. Clairement, jamais je n’arrêterai de faire ce métier.

En conclusion, le point de vue d’un jeune acteur sur le cinéma de demain ?
Je pense qu’il y aura toujours des spectateurs. J’avoue être assez optimiste là-dessus. D’ailleurs, le public revient dans les salles. La télé n’a jamais tué le cinéma. Pourquoi les plateformes y parviendraient-elles ?

Le Parfum vert de Nicolas Pariser avec Vincent Lacoste, Sandrine Kiberlain, Rüdiger Vogler… Sortie le 21 décembre.

Publié dans Edgar numéro 108