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Ducasse Baccarat, double partition de joie

On connaissait le décor grandiose de la boutique-musée de la Maison Baccarat. Désormais, le célèbre hôtel particulier de la place des Etats-Unis, accueille la cuisine de légende du maestro Alain Ducasse. Dans cette adresse d’exception, deux options s’offrent à vous : l’atmosphère vibrante du bar « Midi-Minuit » ou l’écrin de la table gastronomique. EDGAR a répondu à l’invitation et vous raconte !

Dans ce ce lieu double devenu depuis son ouverture, il y a un an, la « place to be » parisienne faisant la part belle autant à l’art, la gastronomie, la mixologie que l’artisanat, les frontières du temps s’effacent et l’émotion dicte à chaque instant ses lois. Au sein de cet écrin marqué par les hiéroglyphes modernes de l’artiste Harry Nuriev, les pièces en bois sculptés de Jean-Guillaume Mathiaut (artiste, pour la petite histoire, né dans une forêt), l’oeuvre picturale Alchimie du grand Gérard Garouste et les fascinantes collections de contenants en cristal signés par des  monuments du design comme Ettore Sottsass, le visiteur vit une expérience totale. Cet art de vivre sans compromis fondu dans cette quadrature du goût, a quelque chose de manifeste au coeur de ce lieu autrefois habité par  Marie-Laure de Noailles (1902-1970), puis habillé par la folie douce de Philippe Stark en 2003. L’avant-garde a toujours été là. Avant d’accéder aux nouveaux espaces du bar, on contemple, quelques longues minutes, le lustre monumental Tuzla dans l’escalier d’honneur. Depuis 1855, ce chef-d’oeuvre de cristal, d’un poids de 1,2 tonnes, fait rayonner de milles feux ses 1000 pampilles. Nous sommes venus, dans un premier temps, pour faire l’expérience très privilégiée du Bar sur « L’accord de Fabrice Langlois ». Le Chef Sommelier ( qui a fait ses armes chez Guy Savoy, Seeger’s et le Clos de la Violette) connu pour son approche synesthésique et pour qui « le vin à le goût de la prononciation« , nous réserve le plus sympathique des accueils. Nous dégusterons ici quelques merveilles concoctées par le brillant chef des cuisines Robin Schroeder : tout d’abord le ravissant œuf de truite blinis, suivi de la sardine fumée, pain feuilleté avant d’attaquer la superbe betterave et thon à la rose Baccarat.

On pense alors à cette phrase du Grand Patron « himself » alias Alain Ducasse  : « La soirée au bar n’est pas un prélude au dîner, elle se suffit à elle-même. »  En effet, le déroulé des plats, célébrant la joie sans cesse renouvelée, nous projette vers des mondes de saveurs inouïs. Le service dans cet univers à la lumière douce sans être trop feutré, consacre des créations absolument remarquables : Saint-Jacques et radis marinés, miel de fleurs, citron mais aussi la sidérante courge japonaise, copeaux de parmesan. Quel bonheur. Les papilles frémissent plus que jamais à l’annonce de la fameuse cocotte lutée de bœuf braisé au Gamay. Les assiettes chaleureuses sont impressionnantes de précision. A ce titre, le riz de veau pané aux amandes, jus perlé que l’on déguste amoureusement nous laisse sans voix. Plus régressives mais tout aussi plaisantes, les coquillettes, comté, cancoillotte nous font venir un sourire de reconnaissance. Par-delà les fenêtres, le square apaisé Thomas-Jefferson participe de  cet état enveloppant de symbiose. Coté sommellerie, nous ne sommes pas déçus par ce choix avisé de cuvées parfaitement sélectionnées par Fabrice Langlois qui rend hommage au terroir et à la vigne dans des trouvailles aussi pointues que gourmandes. A savoir, la brillante IGP Côtes du Lot Néphèle 2023 du Domaine Laroque d’Antan, le sympathique Domaine des Bérioles pour le Val de Loire et le vibrant nectar « Hynotic » 2021 de E. Gagnepain & D. Risoul en Côtes du Rhône. L’exploration de l’éblouissante carte des vins ne s’arrête pas là car nous prenons la direction de la Vallée du Rhône avec un Hermitage de Jean-Louis Chave. C’est grand ! Sur cette partie dite « Raretés » de la carte, nous ne pouvons tourner le dos à la Bourgogne qui flatte notre palais avec un princier Chassagne-Montrachet 1er Cru les Caillerets de chez Jean-Claude Ramonet. Enfin, après avoir eu la chance de nous pencher vers la Corse (Sartène) avec le magnifique Alfieri Polidori San Micheli nous clôturerons notre soirée féérique avec une note de sucre venue de Sauternes : le Crème de Tête de Château Gilette. En quittant les lieux, on se dit que la soirée fut délicieuse, juste délicieuse !

La table gastronomique et son décor féérique.

Quelques jours plus tard, rendez-vous est pris pour vivre la partition gastronomique aux allures de voyage culinaire dans la somptueuse salle faisant penser à une immense bibliothèque mêlant dans ces vertigineuses étagères la chaleur du bois aux vibrations du cristal. L’élégant directeur Adjoint du restaurant Nicolas Chicheportiche (passé par l’Elysée, le Meurice et Michel Sarrant à Toulouse) nous parle de l’essence des lieux correspondant à la synthèse de tout l’univers de Monsieur Ducasse (dont le nom en patois landais veut dire « au pied du chêne »), collectionneur de très longue date de verres Baccarat et chineur devant l’éternel qui distille  de-ci de-là  une myriade de messages cachés renvoyant à son parcours au long cours : les luminaires « pluie de cristal » par exemple en écho à l’époque du Plazza Athénée, ou encore les chemins de table, les premiers couverts en vermeille, les assiettes en nacre du restaurant IDAM du Musée des Arts Islamiques au Qatar, les assiettes passées par la table du Louis XV à Monaco, du  Plazza et du Meurice… Le grand patron de la gastronomie mondiale essaime et « laisse parler les objets avec des traces et des souvenirs nous ramenant parfois jusqu’à son enfance dans les Landes ».

Il est temps d’entamer les festivités en entrant dans ce menu qui ira du Sud-Ouest natal à la Côte d’Azur et se présentant comme une transmission générationnelle de chefs entre Alain Ducasse, Christophe Saintagne et Robin Schroeder. Coté sommellerie, ce sera l’Assistant Chef Sommelier Quentin Flacher ( qui s’est distingué aux Ombres, à la Maison Rostang et au Flocon de Sel) qui donnera ce soir le la. On débute la déambulation culinaire avec l’incroyable chapitre « La Ferme des Landes » et ses choux-fleurs multicolores. L’exploration bat son plein et le coeur en redemande. Dans un second temps, nous ferons honneur à l’intitulé « Jardins de Provence » qui se présente sous la forme d’une corne d’abondance, seiche et civet végétal. Les équipes aux fourneaux ont donné le meilleur d’elles-mêmes. Autre moment de grâce, le Saint-Pierre, pomme fondante, condiment iodé, canard, navé, coing évoque cette cuisine parfaitement taillée presque cistercienne. Coté vins, on retiendra quelques grandes bontés et plénitudes dans l’illustre  verrerie Harcourt avec notamment le Grand Blanc sec en Vieilles Vignes 2020 de Château Suduiraut et le très diplomate Crozes Hermitage du Domaine Combier. Quand survient le temps sucré du dessert, avec la divine Poire Louise Bonne, granité Xérès, Citron, Livèche, sous l’accompagnement d’un Tokai Sec, on se dit que ce diner royal dans ce palais de cristal contemporain avait comme le parfum d’une partition de joie dans un luxe décomplexé ne se prenant aucunement au sérieux. C’est sans doute cela qui aurait aurait plu à l’audacieuse mécène Marie-Laure de Noailles qui était autant attachée au faste et à l’extraordinaire qu’à une élégante transgression avec des invités de marque comme Marcel Proust, Dali, Man Ray, Francis Scott Fitzgerald  ou encore l’incorrigible Jean Cocteau ! www.ducasse-baccarat-paris.com