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Mallory Gabsi, cultiver l’essentiel

Au 28, rue des Acacias à Paris, ce jeune chef belge de 26 ans passé par la case Top Chef sévit avec son espièglerie naturelle. Guidée par la jeunesse et l’audace, sa table étoilée de 25 couverts comble le client. L’adresse fait salle comble le midi comme le soir. On y court !

Ouverte le 5 mars 2022, près de l’Etoile cette vibrante adresse à quelques pas de la table de Frédéric Simonin tient presque du phénomène tant les passionnés d’émotions gastronomiques affluent pour vivre « l’expérience » toute en saveurs in situ. On sait que le jeune chef pré-trentenaire taquin a du cœur et qu’il sait recevoir avec son bras droit, ami et second le Bolivien Helmut Lewin avec qui il travaille depuis six ans. Son parcours en quelques mots : Hertog Jan ex trois étoiles de Bruges et Sea Grill aux cotés de l’unique Yves Mattagne. Sur place, nous sommes accueillis de manière charmante par Andrea Harel, sommelier et directeur de salle (qui a travaillé auparavant quatre ans au Peninsula Paris) accompagné par les deux chefs de rang Adele et Melchior. Ici on parle de famille et d’amis. La hiérarchie et la brigade on laisse cela pour d’autres. On débute l’aventure trépidante avec un subtil bouillon dashi, fumé de poisson, mirin trois ans d’âge et huile de sésame. Dans un même temps on observe la déco feutrée très Art Déco de l’architecte Arnaud Behzadi. Vient dans la foulée, un élégant thé Grand Crû (infusion à froid faite le jour même) dans la suite de l’amuse-bouche. Il rafraîchit merveilleusement le palais. La matière proche du vin nous réjouit avec ses évocations assez céréalières et sa belle profondeur. On salive et les papilles s’excitent. Sur la première bouchée on part à la découverte du céleri branche, de la livèche et de la palourde. Un sincère régal autant qu’un bonheur immédiat.

Pour la seconde mise en bouche, on plonge dans les délices intimistes de l’inspirante tartelette inspirée du tartare de bœuf avec un bœuf taillé au couteau sur un siphon à l’anglaise worcestershire et sauce poudre de câpres. Le tout fumé admirablement au bois de baril de Cognac. Sur la première et raffinée entrée, on part à la rencontre de la flamboyante asperge à la flamande (grand classique Belge) avec ses asperges blanches confites passées à la flamme. Sur le dessous, un crémeux de jaune d’oeuf et le tout associé à une onctueuse sauce crémeuse de vin blanc infusée au haddock et tranchée à l’huile de persil. On succombe au magnifique vin de l’île de Samos aux notes de litchi et de rose.

Le plat traditionnel belge célébré.

Le muscat petits grains pré phylloxérique (de 150 à 180 ans..) fait voir un terroir volcanique très aromatique avec un coté légèrement fumé. Quant arrive le plat phare de l’Anguille au Vert on jubile sur un excitant accord belgo-belge grâce à une étonnante gueuze (assemblage de lambics sous trois millésimes) aux notes vineuses, dotée d’une grosse tension et soutenue par un rajout de riesling. Le plat traditionnel belge se présente sous la forme d’une anguille fumée laquée à la bière et échalotes confites et farcies à la sauce aux herbes. Le splendide citron de caviar apporte une délicieuse explosion d’acidité. On raffole du crémeux de vin blanc d’échalotes. Autre moment d’émotion : le pigeon de sang d’Anjou cuit sur coffre pour garder la chair très moelleuse. Juste à coté, une tendre purée de carottes saupoudrée de harissa et recouvert d’une fascinante feuille d’arroche rouge.

L’ensemble est accompagné d’un siphon de tomate, miel et harissa et jus corsé de pigeon. Un pure beauté. Le Côte du Rhône Les vergers, parcelle Côte Rôtie 100 % Syrah sur le Nord du domaine (où se trouvent les meilleurs raisins) libère ses notes de pivoines, ses parfums très mentholées sur fruits mûrs et belles épices. Pour le dessert, le chef pâtissier Michael Taubira alias « Mike » (passé par l’Oustau de Baumanière aux Baux-de-Provence) nous comble superbement avec ses délicates fraises de bois, son ravissant sorbet litchi et son amoureux crumble aux amandes avec tuile opaline et bonbon acidulé, compote tiède de fraises des bois. Ce rasurant chaud-froid nous ravit par ce très beau contraste. Un vin tchèque de Moravie by le grand Milan Nestarec communie merveilleusement avec la poésie de l’assiette. Ce pétillant naturel zéro sucre, ciselé et aromatique nous parle de cépages endémiques : müller- thurgau et le Neuburger Muscat. Tout s’accorde ici en bouche parfaitement à la fraîcheur du plat. Au sortir de cette dégustation magistrale on salue autant la finesse que la gourmandise dans l’assiette. On applaudit le service détendu de cette équipe soudée et motivée, travaillant de manière acharnée et qui est portée par la joie de cette aventure humaine. On aime particulièrement cette ligne de conduite sans arrogance où le plaisir se lit dans les yeux des clients. A faire sans tarder donc ! www.mallory-gabsi.com