
Derrière les fourneaux du restaurant Hanabi, ce chef d’origine péruvienne dicte une partition jouant sur l’heureuse fusion entre art bistrotier et classiques japonais. EDGAR s’est rendu du coté de l’Opéra Garnier, pour y vivre une expérience culinaire exceptionnelle vraiment pas comme les autres !
Il y a quelques mois déjà nous avions entendu parler d’Hana, ravissant hôtel de charme de 26 chambres échappant aux étiquettes du genre, à proximité de la Place de la Bourse, dont la décoration a été signée par Laura Gonzalez sous la direction artistique d’Olivier Léone. Puis, quelques fins gourmets donnèrent écho à quelques plats fabuleux que l’on dégustait au restaurant-bar de ce boudoir chic, entre la place des Victoires et Montorgueil. Parmi ceux-ci, on releva l’oeuf Hanabi, les udons à la bisque et langoustine, le crudo de sériole sauce sésame noir et yuzu ou encore le gyoza au foie gras sauce ponzu… Le nom d’Hanabi donné à cette adresse, signifiant « feu d’artifice » en langue japonaise, ne serait donc pas usurpé, semble-t-il. De plus, il y a, aux cotés des fourneaux, une personnalité qui capte notre attention : Shirley Garrier, alias The Social Food, qui a élaboré cette carte aux accents singuliers.
A notre arrivée, l’accueil par Daniela Prada, directrice F&B (passée par l’Hôtel du Palais à Biarritz et Briketenia de la Famille Ibarboure à Guéthary) est des plus plaisants et engageants dans une élégance pleine de délicatesse et d’attention. En bonne place et lovés confortablement sur une banquette intimiste aux tons doux, nous avons en tête ces quelques merveilles venues du Soleil Levant réinventées de manière subtile, presque ludique : le risotto au shiitakés fermentés, le gomatofu au sésame noir, la bavette de bœuf de Galice au poivre Sancho et ail des ours cuite au Binchotan… Le chef, connu pour son asperge cuite au binchotan et tarama, sait surprendre avec sa finesse et sa précision dans une créativité joyeuse sans exubérance. Dans cette alliance des deux cultures, à la croisée des influences, c’est plutôt très bon signe. On se souvient que Roberto Sanchez, avant de sévir ici, a affûté, avec patience et passion, son talent auprès d’Eric Fréchon au Bristol et de Guy Martin au Grand Véfour. Il est désormais garant d’un art culinaire ancestral tout en laissant le champ libre à une part de surprise dans une inspiration toute personnelle. Trêve de mots, il est temps maintenant de se lancer pleinement. Nous serons sur un beau trois temps dans la concision et l’intensité : plat-entrée-dessert. Idéal pour envisager, dans la décontraction, le savoir-faire, l’essence et l’audace.
Derrière chaque plat, un langage.
Immergés dans cette capsule temporelle feutrée, se dérobant aux regards extérieurs, nous observons chaque détail aux notes « couture » et sensuelles, parfois complètement inconnues. Il y a, derrière chaque plat, tout un langage et une musicalité où la cérémonie et le rituel ne sont jamais loin. Trois plats tirent leur épingle du jeu. Ils dessineront un incroyable spectacle de saveurs et d’arômes. Tout d’abord sur le prometteur acte 1, qui nous conduit vers l’immanquable crudo de hamachi (26 euros). En bouche, la douceur est presque irréelle. On aime cette radicalité tranquille assumée et cette justesse où rien n’est superflu. A signaler que le Hanami d’asperges (21 euros) livre aussi une belle vérité brute. Le chef cuisine comme il respire en allant à l’essentiel et en prêtant l’oreille à la tradition tout en racontant une histoire sincère dans une grammaire faite de grands récits. Dans le verre ? On nous a suggéré le cocktail Akayane Martini qui donne une autre lecture du Dry Martini mais on lui préférera la surprenante cuvée One Way Ticket du Domaine du Haut Planty 2021. Un nectar hors des sentiers battus d’une grâce folle avec un coté bourguignon. Alain et Christian Couillaud réalisent une pure merveille avec ce vin de Loire-ovni élevé deux ans en fûts de chêne. Le nez issue du 100% Melon de Bourgogne se dirige vers la poire mûre, le bois tendre et les épices. Le service est juste comme il faut, impeccable. Dans la foulée, on s’oriente vers le sidérant Acte 2 avec, bien sûr, la fondante bavette Wagyu sauce au poivre de Sansho (56 euros).
Ce plat, sans séduction facile, illumine la rétine autant que les papilles en émoi. C’est vif et brillant à la fois. Le Japon nous livre alors quelques nouveaux secrets. On recommande également l’incontournable poisson grillé au Binchotan lustré au Dengaku (48 euros) qui a conquis le coeur de bon nombre de clients fidèles chez Hanabi car il déstabilise agréablement avec un coté un peu sauvage qui a vraiment du bon. Pour les accompagnements ? Libre à chacun mais on a fait le choix du bol de riz et Furikake Hanabi ainsi que de la fantastique purée de pomme de terre Miso. Sur la partie sommellerie, on imagine un gracieux paring avec l’admirable cuvée les Bonnes Blanches du Domaine du fief Noir 2021. Au nez, on retrouve l’écorce d’orange et le noyau. En bouche, on savoure la densité de ce 100% Chenin (travaillé en amphore en grès durant 12 mois) ainsi que la longue finale. Sur le mémorable Acte 3 du dessert, on opte pour le divin cheesecake au miso à la vanille (16 euros) bien que le diabolique tiramisu à l’hojicha (16 euros) soit un moment de gourmandise rare. Rien ne déborde dans cette élévation du corps et de l’esprit, tout est calme et d’une intensité hors du commun. En quittant les lieux, on se dit que le chef, dans la plus grande générosité, nous a fait vibrer et nous a surpris avec une cuisine millimétrée à travers un déjeuner éblouissant, dans l’humilité et animé par un noble tempo zen via des textures éclatantes et complexes. Une table qui bouleverse, détonne et que l’on recommande car ici rien n’est pesant ni intimidant. Simplement envoûtant !

Journaliste spécialisé en art contemporain, Clément Sauvoy est également commissaire d’exposition et collectionneur.
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