
Derrière les fourneaux de ce bistrot historique, à l’angle de la rue du Coq-Héron, ce chef talentueux mêle une vision californienne à une cuisine d’essence européenne autour du partage et de la convivialité. EDGAR s’est donc rendu, derechef, chez Cloche !
A quelques encablures des Halles, du Palais Royal et du Louvre, cette brasserie du ventre de Paris qui sonnait autrefois la vie du marché des Halles, attire une faune de gourmets qui salue le come back du bistrot rétro-moderne. On y vient autant pour savourer les gros escargots de Bourgogne servis en six pièces que pour les gnocchi pesto noisette et menthe. A l’heure de l’apéritif, l’amuse-bouche du feuilleté au caviar baeri Kasnodar, crème crue (les 3 pièces) fait un ravage (22 euros). La fringante cloche, sur la façade n’a pas bougé depuis le XVIIIème siècle. Sur l’une des plus anciennes voies de Paris, elle raconte la légende du plus grand marché parisien, celui dont Zola tissa maintes fois, et mieux que personne, le récit.
A notre arrivée, on observe un décor chic et pointu portant les regards croisées d’une équipe au sommet de son art : les fondateur Vitor&Arthur Cohen, les directeurs créatifs Olivier Leone&Odds Studio et le team derrière l’architecture signée Hypnos. Quant au chef, Robert Mendoza, cultivant ses origines mexicaines, il affiche un beau parcours riche en influences : Blue Hill at Stone Barns, Hertog Jan et The Willows In. Attablés dans ce vibrant décor de nappes vertes à carreaux recouvertes d’une fine feuille de kraft blanc, nous pressentons quelque chose de grand. On se lance. Les recommandations, sur l’entrée sont particulièrement engageantes. Léa, chef de rang ( ayant travaillé un temps sur le Ponant), nous suggère les formidables poireaux vinaigrette (16 euros). Bon sang ne saurait mentir. Quelle merveille ! L’esprit de brasserie parisienne sur fond de musique douce, s’impose naturellement. On se rappelle alors que le chef s’était fait remarqué en 2018 en ouvrant le Saint Sébastien et en insufflant son énergie à Vivant Deux. On retrouve ici cette même idée de partage et de générosité. On attaque avec les très demandés et divins beignets de mozzarella au persil plat et citron (14 euros). On aime ici, semble t-il, le rebrousse-poil et c’est tant mieux.
Le faux-filet de Galice a ici son fan club.
Dans le verre ? Le magnifique Châteauneuf-du-Pape 2021 de Stéphane Usseglio qui se distingue en bouche par des tanins fins et une attaque ample. La finale de ce nectar, où le grenache joue un rôle prédominant (80 %), révèle des souvenirs toastés et épicés. Le service est fluide et ouvert à l’échange sur le vif. Passé l’avant-propos, coté plat, deux merveilles tiennent la vedette. D’une part, le superbe filet de bar, beurre-dashi & œufs de truite (38 euros). D’autre part, l’onglet Black Angus, sauce aux trois poivres (39 euros). Mais le faux-filet de Galice maturé 30 jours, pommes de terre grenailles a, nous dit,-on ici son fan club. Pour accompagner notre poisson, on opte pour le plaisant Sancerre de Fleuriet&Fils 2023. Ce vin illustre les plus grandes expressions du Sauvignon. On apprécie la présence du gras au palais, sa puissance mariée à un beau fruité et une subtile vivacité.
Ce blanc bio Demeter issu d’un terroir révélant toute sa typicité (50% de Caillottes, 40% de Terres Blanches et 10% de Silex) a été vinifié à basse température (15 à 18°C) afin de conserver un maximum d’arômes. Il a été ensuite élevé sur lies jusqu’en mai/juin et mis en bouteille. Un vrai bonheur. A l’instant du dessert, on est face à un dilemme de taille. Faut-il céder à l’appel du pied de la pavlova fraise (12 euros) ou aux sirènes du crémeux chocolat, huile d’olive et fleur de sel (14 euros) ? Ce dernier l’emportera finalement en faisant valoir son caractère follement gourmand. Ce moment sucré est admirablement accompagné du Cru de l’Agriote du Domaine Giacometti situé au cœur du désert des Agriate à Casta, près de Bastia. Ce rosé de gastronomie, vinifié en cuve inox thermorégulée et élevé 6 mois sur lies fines, offre un bel équilibre sur bouche ronde et acidulée. On se délecte de son croquant né de l’heureux assemblage de Nielucciu (83%) et de Grenache (17%). A noter, la présence sur la carte des vins, de l’élégant Chablis 2023 de la jeune vigneronne Clarisse de Suremain, « musicienne des climats », qui témoigne d’une vraie exigence sommelière de la part des équipes sur place. On quittant les lieux, on se dit, rasséréné, que ce bistrot (de 40 couverts + 15 couverts en terrasse) dégage une réelle énergie qui éveille avec aisance l’appétit sans aucune prise de tête. Et le chef inspiré prouve, avec ses intitulés ne trahissant jamais l’assiette, qu’il a tout compris du meilleur de la vie. Une adresse que l’on recommande bien évidemment !
Infos pratiques :
Brasserie Cloche au 28, rue Coquillère 75001 Paris.
Déjeuner : Mardi-Dimanche 12:00 à 14:00 / Dîner : Mardi-Dimanche 19:00 à 23:00. Sur réservation de préférence.

Journaliste spécialisé en art contemporain, Clément Sauvoy est également commissaire d’exposition et collectionneur.
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