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Arnaud Binard « J’ai l’âge de l’aventure »

C’est une des révélations de la série acidulée Emily in Paris sur Netflix. Arnaud Binard est un comédien chevronné depuis maintenant vingt ans. Et un champion de surf reconnu. Dialogue détendu avec cet artiste chaleureux venu du Sud-Ouest.

Dans Emily in Paris, Arnaud Binard incarne un propriétaire de plage privée à Saint-Tropez : « Je suis ravi d’avoir un peu plus de visibilité. Et il y a des gens de partout dans le monde qui m’écrivent sur Instagram. » ©fmurarotto

Emily in Paris marche du tonnerre. Tout en réservant une salve de critiques amusées quant à la représentation de la capitale française en véritable bonbonnière. Comment défendriez-vous la série ?
La défendre n’est pas très compliqué : c’est un projet qui n’a pas d’autre prétention que de divertir. C’est clairement assumé. Nous sommes dans la fiction pure. Une histoire d’amour, de trahison, d’engagement, de loyauté… Après, au sujet des critiques portées sur la série, je pense qu’elles sont gentilles. On ne peut vraiment reprocher à Emily in Paris sa nature. C’est une vision américaine de la France. Une vision énamourée. Ils adorent cette culture et cette image d’un Paris presque éternel. C’est assez rafraîchissant. Et puis, cette dimension existe aussi. Celle d’une capitale du luxe, des créateurs, authentique. Le Paris de la mode, des parfums, de la culture…

Comment se retrouve-t-on, acteur français, dans une série Netflix ?
C’est très classique. Ils font des essais. Ils reçoivent tout le monde. Les Américains ont cette qualité : leur business est tellement important qu’ils procèdent naturellement. Si vous leur plaisez, ils vous engagent indépendamment de votre aura médiatique. Ce qu’ils recherchent c’est l’acteur qui colle le mieux au rôle. C’est plutôt agréable d’avoir ce genre d’opportunités. Avec eux, vous pouvez être un aspirant comédien et tout de même avoir accès à des essais sur de gros projets. Pour ma part, j’avais déjà travaillé sur d’autres productions américaines. Cela a certainement dû jouer dans le fait de rassurer les directeurs de casting. Mais tout s’est déroulé de manière organique. J’avais passé des essais pour un personnage dans la première saison. Mais pour des questions de plannings – je tournais à l’époque un autre série américaine intitulée Modern Family -, cela n’a pas pu se faire. Ils ont eu la gentillesse de me proposer un rôle pour la saison 2. Aujourd’hui, dans la saison 2, ils ont beaucoup plus densifié son arche dramatique.

« Ce petit plus de notoriété, actuellement, m’aide à pouvoir aller vers des territoires de création plus personnelle. » ©fmurarotto

Pour un acteur français, faut-il s’adapter à une forme de jeu typiquement américain ?
Chez les Américains la culture du jeu et de la direction d’acteur est très présente. C’est le cœur nucléaire de la création audiovisuelle aux Etats-Unis. Le nœud gordien de tout leur travail. En France, c’est le même travail. Nous faisons le même métier. Il y a peut-être un diapason de jeu qui change selon les registres et les genres. On dit beaucoup que les Français jouent beaucoup « sans le corps », dans quelque chose de plus intellectuel. Que nous ne sommes pas si impliqués physiquement. Que nous n’extériorisons pas autant nos états que les acteurs le font outre-Atlantique. Pour ma part, j’ai toujours travaillé beaucoup autour du corps, du mouvement. Je ressens une certaine exaltation à travailler avec les autres cultures. En Europe, partout. Les nuances sont assez enthousiasmantes.

En quoi tirez-vous profit d’une série comme Emily in Paris ?
Déjà, je vous parle ! Je suis ravi d’avoir un peu plus de visibilité. Et il y a des gens de partout dans le monde qui m’écrivent sur Instagram. Mes réseaux sociaux sont un peu en ébullition avec la série. C’est amusant de recevoir des messages très positifs d’Inde ou d’ailleurs. Emily in Paris est vu partout. Difficile de deviner la suite. Je viens de débarquer dans la saison 3. Il y a un changement. Est-ce que cela donnera plus que ce que mon parcours en France m’a déjà apporté ? Je l’ignore. En tout cas, il y a un intérêt certain pour mon travail.

Qu’est-ce qui vous manque aujourd’hui ?
Ce qui manque à tous les acteurs à part lorsqu’ils sont extrêmement demandés et « bankables » comme on dit. Un peu plus de visibilité sur mes projets à venir. Et de pouvoir sur des projets que je porte, moi, artistiquement et qui pourraient voir le jour bientôt. C’est sûr que ce petit plus de notoriété, actuellement, m’aide à pouvoir aller vers des territoires de création plus personnelle. J’écris, je travaille avec d’autres auteurs…

A propos de sa passion pour le surf : « Le surf me permet de combler ces moments où je ne suis pas sur un plateau. C’est une forme de continuation. » (c) Manu Miguelez

Surfeur, vous avez été en 2018 champion de France catégorie Master. Avez-vous toujours du temps pour la pratique ?
Oui. Pour tout vous dire, j’y étais encore ce matin. C’est quelque chose qui a toujours fait partie de ma vie. Je trouve que c’est proche du travail d’acteur. Le surf me permet de combler ces moments où je ne suis pas sur un plateau. C’est une forme de continuation.

Vous n’habitez pas Paris…
Oui. C’est un problème lorsqu’on est comédien. Et pas seulement pour cette profession. La France souffre encore d’une vision très colbertiste. C’est pour cela que Paris fascine encore tellement. A l’étranger, la France, c’est Paris. Tout s’y agglomère. Et toute la province continue à monter à Paris. Il y a encore un vrai travail à mener sur cette problématique de la décentralisation. Il y a dix ans, avec la révolution digitale, j’ai monté une boîte de production en province. Et j’ai longtemps espéré que ces nouveaux moyens permettent de décentraliser un peu les chaînes de décision. Tout le problème est là.

Et l’Amérique ?
J’ai l’âge de l’aventure, du désir, de la curiosité. En plus, l’Amérique, c’est dans mes projets. Et d’autres pays aussi. Je suis ravi des opportunités que m’offrent ma profession. Voyager pour travailler, ça ne me pose pas de problème. Je le vis comme une chance.

Emily in Paris, série créée par Darren Star, avec Lily Collins, Philippine Leroy-Beaulieu, Lucas Bravo… Sur Netflix.
Et bientôt sur France Télévision dans Petit Ange avec Annie Duperey et Alexia Barlier.