
A deux pas de République, rue du Vertbois, le chef Ohad Amzallag chamboule les codes de la gastronomie pour livrer une partition singulière toute en saveurs. Une adresse qui répond à des partis pris étonnants !
En lisière du Marais, cette adresse, dont on parle, titille la curiosité des gourmets en quête de surprises culinaires et de finesses gustatives renversantes. Allant bien au-delà d’une cuisine dîte levantine, la partition personnelle du chef célèbre les épices avec un sens créatif et du partage des plus enthousiasmants. A notre arrivée, l’accueil enveloppant, autour de la longue table qui traverse la petite salle, nous réjouit et ouvre convenablement le bal. On a entendu dire que le jeune établissement célèbre l’amour du beau produit, notamment sur le poisson, et cela a tout pour nous plaire. On ressent comme une sorte d’esprit « cuisine soignée en petit comité » qui nous charme et nous met en condition. On part donc sur le menu dégustation (107 euros) qui débute avec un délicieux pain ban kubané, pistaches et miel fermenté. On nous annonce que toute la signature ici sera casher.
Cela nous pose aucun problème et on a hâte de voir justement ce que cela donnera sur le versant sommelier. Nous poursuivons avec la délicate brioche, tartare de tomates, crousti de câpres, flocons de parmesan, cracker au Sarrazin et sauce tomate blanche. Le dressage défie les attentes avec beauté et simplicité. Avec cela, on nous propose un vin d’Israël mettant en réunion Viognier et Chardonnay. C’est bon, mais un peu trop consensuel à notre goût. On trouvera complète satisfaction dans le nectar « ovni » LEVANIM 2016 croisant Gewurtz, Sauvignon et Colombard. C’est très surprenant et complexe. La carte des vins révèle des prix à la bouteille tout à fait raisonnables et une sélection qui ne se noie pas dans un déluge de références. On entre dans cette atmosphère d’un « comme à la maison » intimiste avec cette grande table d’hôtes en marbre qui ne sombre pas dans un brouhaha de décibels comme cela peut être parfois le cas ailleurs.
Une magnifique technicité jous-jacente.
Le chef passé par le restaurant Shouk, sur le Canal Saint-Martin, a établi une formule et une articulation qui fonctionnent à merveille. Présent à la table de ses invités il assure, sous les poutres en bois apparentes, le service avec une élégance et une brillante authenticité. On passe sur le plat principal et son fondant filet de maigre et huile d’argan qui nous enchante. Les mariages d’assaisonnement révèlent une magnifque technicité sous-jacente. Ici, toutes les saveurs sont soigneusement préparées par Ohad au sein de son laboratoire de lacto-fermentation dans une utilisation des matières premières visant le zéro déchet et gaspillage.
Le plat est réconfortant et révèle la minutie autant que l’imaginaire foisonnant du chef, hors des conventions, en conservant les références proche-orientales. A cet instant, dans ce cadre chaleureux tout en longueur, propice à l’échange, on part à l’exploration des rouges avec le superbe ADUNIM 2019 qui nous flatte le palais avec ses notes de cendre, de pierres écrasées, de cèdre et de pin. Cette cuvée trouve parfaitement sa place dans cette assiette-tableau consacrant une ravissante cuisine végétale et marine. Quand sonne l’heure du dessert, on trépigne d’impatience car on sait que la note finale sera fantastique avec la fameuse Panna cotta koji, consommé de fraises et sorbet de fraises blanches. Quelle extase ! En quittant Guefen, table récemment référencée au Michelin, on savoure ces moments de grande sincérité qui ont animé la table dans des conversations et des pensées toutes en sagesse et humilité. Comme cette sprituelle Golden Eight aux notes vanille-caramel. Une liqueur dorée aux reflets de Poire Williams Massenez qui nous bercera sur le chemin du retour ! www.guefen.fr

Journaliste spécialisé en art contemporain et design, Clément Sauvoy est également commissaire d’exposition et collectionneur.
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