
La cuisine de ce chef deux étoiles Michelin, à la tête du restaurant Le Gabriel, épouse une philosophie animée par la saveur authentique. Une expérience, au cœur de l’hôtel La Réserve Paris, qui nous propulse sur les plus hauts sommets gastronomiques !
Est-il vraiment nécessaire de rappeler son parcours, marqué par son passage à l’Ambroisie ou encore à Lucas Carton ? Et ses armes faîtes, dans ces deux établissements aux cotés d’Alain Senderens ou Bernard Pacaud ? Le breton Jérôme Banctel (Photo ci-dessus. Crédit : Julie Limont), c’est à la fois la décontraction naturelle propice à la générosité gourmande mais aussi cette énergie percutante qui autorise l’éclat scintillant de génie et le contrepoint saisissant. Le bouillonnement de ce chef à l’âme voyageuse, aimant partir, quand l’envie lui chante, à la rencontre des techniques et des saveurs les plus lointaines est une forme de poésie et de cuisine de sentiments qui ne mentent pas. La méticulosité du geste, toujours ponctuée d’un sens aigu du bonheur venu des produits de la mer, livre des mets d’exception où le respect de la terre couronne dans un même temps une vision au caractère instinctif, solide et puissant. L’avenant échange d’introduction avec le très courtois directeur de salle Alexandre Augé, nous conduit à ouvrir naturellement notre cœur à la relation du chef à la table, sans entrer trop précipitamment dans l’un des trois splendides menus élaborés dans cette illustre adresse de l’avenue Gabriel.
Le sommelier Gaétan Lacoste (passé par l’Hôtel du Palais, Lasserre et le Clarence) nous promet d’aller sur de l’exceptionnel et cela est de très bon augure. On opte promptement pour le menu La Virée en sept temps. Ce dernier nous embarque vers la Bretagne natale du chef dont le souvenir du travail de la terre et de l’iode omniprésente façonne encore son rapport à la gastronomie. La ravissante et lumineuse Carotte des Sables jouant de son enveloppe confite et de son jus acidulé de gingembre nous emballe sous un saké pur et rocheux à 55% de grains de riz poli. Survient alors le délicat Artichaut à la chaux et vinaigre sakura qui fait son entrée remarquée. Ce plat relevé par un vinaigre à base de fleur de cerisier et la technique de la chaux vive (technique ancestrale découverte en Turquie pour conserver les saveurs) nous emporte avec un riesling trocken sans sucre venu des plus beaux terroirs en Allemagne .
Une expédition vers des destinations croisées
On est, à vrai dire, renversés par la tendresse du Homard bleu au binchotan, butternut aux épices et graines de courges. Ici, les épices apportent la puissance sans perdre la saveur fumée du binchotan japonais (ce bois de chêne blanc utilisé au Japon). Le vin, un jurançon sec, nous emmène aux portes de Pau. On apprécie sur cette 3ème récolte du domaine naissant la palette aromatique des deux cépages (gros et petit manseg) dans un élevage sous bois « à la Bourguignonne » donnant beaucoup de relief au gras et au moelleux de ce noble homard au casier. Autre merveille du menu, le Maquereau sur galet, poutargue, oursin et salicorne, nous fait faire un escale enchanteresse avec ces galets brulants créant cette décoction au vin blanc dans un parfum de chair apporté par le bois de cèdre. Le maquereau enroulé puis déroulé se vit comme une expédition vers des destinations croisées où les territoires résonnent dans l’assiette avec des saveurs et des saisons jusqu’au bout du monde. Moment de joie incontrôlée, le magistral Roulé de tête de cochon, coquillages et crèmes aux algues nous dit que ce plat « terre-mer » très identitaire ne peut s’entendre que sous cette crème fermière et un tartare d’algues fraîches. L »iode de la côte illumine la table. C’est alors que l’on est bénis des dieux par les soins d’un princier Carton-Charlemagne, considéré comme l’un des plus grands blancs au monde.
Bouleversés dans ce mélange des éléments, un vin espagnol, élevé à une heure de Séville et passé 15 années sous bois, nous dit que quelque chose se prépare de nouveau. Dans ses parfums de boîte à cigares et de camphre, ce nectar rare nous chahute dans ce voyage immobile dans un héritage de gastronomie française qui s’enrichit ailleurs. Le diablement beau Pigeon de Louvigné, raviole de faisselle, consommé à la livèche livre un accord de couleurs dans des tonalités qui sont comme un savoureux présage dans l’assiette. Le pigeon cuit sur coffre nous enchante tandis que la livèche nous évoque la bonté du céleri sans oublier l’épicé rayu. La corpulence d’un grandiose Cos D’Estournel nous permet d’honorer le côté sanguin du plat et la texture généreuse de l’ensemble. Enfin arrive l’instant doux du dessert en deux volets, sous l’amertume du pamplemousse et l’iode de la feuille d’huître. Puis le sarrasin, vinaigre de pomme et caramel au cidre. Les notes rondes de l’onctueuse vanille sont magnifiées par le chant magique d’un château d’Yquem 2011…. C’est cela Le Gabriel, une grâce venue de la vigne, de ses rituels mais aussi une alchimie née des territoires imaginaires de Jérôme Banctel qui prend pour guides les saisons mais aussi tous les amis producteurs, ses compagnons de voyage !

Journaliste spécialisé en art contemporain et design, Clément Sauvoy est également commissaire d’exposition et collectionneur.
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