
A la fois altier et mystérieux, il baladait sa silhouette de dandy gothique ou de poète rock sur les plateaux de tournage et les festivals du monde entier. David Lynch, c’était une caution « arty » inespérée au milieu du cinéma californien. Un pré-Tarantino 10e dan et qui, lui, aurait su rester courtois tout au long de sa filmographie. Courtois, mais pas sage forcément.
Dès son premier film, Eraserhead (1977), monté avec des bouts de ficelles, héritage mental et horrifique de ses années de vache maigre en banlieue de Philadelphie, il flirte à ses débuts intensément avec le cinéma de genre – comme le fera plus tard un autre cinéaste comme Abel Ferrara. Son film suivant, Elephant Man (1980), entre le cauchemar éveillé et la fresque puissamment humaniste, remporte tous les suffrages – dont le César du meilleur film étranger. Si son Dune (1984), tourné sous la pression du nabab Dino de Laurentiis, fait un four historique, cela n’ébranle pas l’auteur qui mûrit en lui. Il le transcenderait plutôt, puisque deux de ses œuvres les plus applaudies vont suivre : Blue Velvet (1986) et Sailor & Lula (1990) ; feu d’artifice cinématographique jusqu’à l’aveuglement qui décroche la Palme d’or à Cannes. A la télévision, il signe la série Twin Peaks, tirée d’un fait-divers, fascinante au départ, mais qui égare son public au fur et à mesure des épisodes.
Dans ses films suivants, Une Histoire vraie (1999), la balade d’un vieillard (Richard Farnsworth) un tondeuse à gazon, brille par sa simplicité et sa sincérité. Plus « truc » lynchien, tour de magie ou finaude escroquerie finement maîtrisée, Mulholland Drive (2001) et sa fin totalement absconse, béni comme un OVNI artistique, réunit sur son autel publique, critiques et professionnels (Prix de la mise en scène à Cannes et César du meilleur film étranger). Son dernier long-métrage, Inland Empire, sort sur les écrans en 2006.
David Lynch était aussi peintre, musicien, vidéaste, photographe, designer. Il s’est éteint après avoir dû fuir un Los Angeles en flammes, ce déluge de feu et de cendres qu’il aurait pu mettre en scène lui-même. La réalité et la fiction qui se mélangent pour accoucher d’un drame – comme jadis l’enfant-monstre d’Eraserhead. La trajectoire de David Lynch (1946-2025) aura été empreinte de surréalisme jusqu’au bout. A la jeune génération des cinéphiles de s’approprier désormais son œuvre.

Signature « historique » d’Edgar pour le cinéma, lecteur insatiable, collectionneur invétéré d’affiches de séries B et romancier sur le tard (Le Fantôme électrique, éd. Les Presses Littéraires).
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