Offrant à nos papilles un déroutant ping-pong de saveurs, la cuisine nomade du chef Elior Benaroche se savoure autant qu’elle se vit. Un exquis festin levantin porté par un enthousiasme ambiant extrêmement communicatif !
Du coté de Montmartre, les fondateurs (Elior, Eden, David et Shlomit) de cette adresse-pépite élaborent une expérience gastronomique tournée vers le partage. Les quatre amis, qui se sont rencontrés au Balagan, reçoivent le convive dans une élégante salle de 50 couverts accueillant une impressionnante fresque murale d’Eyal Eliezer (expert en calligraphie araméenne) qui exprime autant le voyage que l’amour du beau geste. Ouvert le 7 juillet 2023, ce restaurant magnifie une cuisine d’auteur nous projetant, dans une heureuse aventure culinaire, sur une mappemonde passant par l’Irak, l’Egypte, le Yemen, la Turquie, la Grèce, le Liban ou encore l’Inde. En vue de notre dégustation, Eden nous a réservé une place de choix au comptoir. L’accueil dans le sourire est épatant.
La carte est découpée en sections aux titres intrigants : doigts, bouche, cœur et point-G. David nous explique la philosophie des lieux et nous engage à faire confiance à la partition libre qu’il nous réserve. On est tout à lui. Ainsi, on ouvre le bal avec les magnifique pickles maison « Bagdad » marinés à l’amba (mangue verte fermentée d’Irak), la ravissante pâte d’oeuf « Ikra Noire » de poissons, oignon Rosscof, et le déroutant Shlomoza (œuf, amba, pomme de terre et aubergines glacés) avec le gourmand pain Esh. On est ravis. Coté sommelier, Baptiste nous fait découvrir un fabuleux vin sec minéral de Crète aux notes herbacées de laurier, de cardamone, romarin. On poursuit sur notre lancée avec l’engageante « Crevette de Lucas » mariant bacon, labné et mélange d’épices du Levant. C’est une vraie explosion de générosité qui se prolonge avec le Tabula Rasa 2.0 qui convoque taboulé, agrumes, pignon de pin et mélasse de grenade. Notre coeur palpite de joie et de gratitude. On nous recommande, très belle surprise au débotté, l’affolant Celerimi qui jongle avec sériole, céleri, jaune d’oeuf au soja et noix et épices égyptiennes. On est sous l’empire de tous ces arômes séducteurs.
Plat-hommage à la grand-mère du chef.
L’érudition du chef est bluffante et le vin du Haut Golan, qui accompagne le plat, offre une légère rondeur en fin de bouche. Ce 100% Sauvignon Blanc livre une acidité animée par les fruits de la passion et de belles variations de température. Ce constat nous conduit vers le flamboyant « Aubergino » qui assemble aïoli de harisa, pruneaux, fromage de brebis turc et cajou caramélisés. Il nous reste deux chef-d’oeuvre, diablement créatifs, à explorer. Plat hommage à la grand-mère du chef, le « Manie Tanny » nous régale de sa Saint-Jacques, bouillabaisse réduite, estragon et shifa.
Un vin du Maroc, 70% Cabernet Sauvignon et 30% Syrah, partage avec nous ses secrets venus d’une argile rouge humidifiée. Il caresse notre palais de ses notes d’épices sans chercher la longueur. Enfin, on se délecte de l’inspirant « Pikachu » fusionnant picanha maturé, carottes braisées et salsa de coriande. Le plat évoque des périples lointains. Sur l’instant sucré, on n’échappe pas « Go’go Im », spectacle visuel, unissant pomme, limonouzo, fenouil, verveine. Notre sens sont de nouveau intrigués avec la « Crack Pie » et son réconfortant nuage de yaourt. En quittant les lieux, on se dit que cette adresse, dont la vibrante cuisine est ouverte sur salle, est nourrie par une histoire d’amitié. Et cela nous a mis un vrai baume au cœur. L’hospitalité, la carte réfléchie et la passion de cette équipe, opérant sur le versant sud de la Butte, donnent vie à un restaurant qui se démarque avec une expérience immersive subtilement enrobante ! www.adraba-paris.com
Journaliste spécialisé en art contemporain et design, Clément Sauvoy est également commissaire d’exposition et collectionneur.
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