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Jean-Hugues Anglade « J’ai des envies de comédies »

Figure emblématique du cinéma français des années 80, récemment apparu dans Super-héros malgré lui de Philippe Lacheau, Jean-Hugues Anglade poursuit sa carrière tambour battant. Au Festival Séries Mania, à Lille, l’acteur est venu présenter Hors Saison, un thriller de haut vol en deux épisodes.

Cinéma, télévision… vous ne cessez plus de tourner. Est-ce, artistiquement, une période parmi les plus heureuses de votre vie ?

On peut dire ça comme ça. Maintenant, l’ensemble des comédiens français travaillent à la fois pour le petit et le grand écran. Ça a fait tâche d’huile depuis Braquo si vous voulez… C’est à partir de cette série, je pense, que les gens de cinéma ont commencé à se tourner vers la télévision. Et notamment vers Canal + qui commençait à produire des choses audacieuses. Grâce à Olivier Marchal, j’ai eu cette opportunité de jouer dans une série parmi les plus brillantes jamais produites en France.

Cela vous fait-il sourire de voir toute une profession se ruer sur les séries aujourd’hui ?

Ça m’amuse. Parce que je m’aperçois que les gens qui à l’époque refusaient de travailler pour la télé s’y pressent aujourd’hui. Braquo, Versailles, Le Bureau des légendes, Engrenages… Désormais, même sur des chaînes non cryptées, vous trouvez, niveau série, de vrais projets de qualité. TF1, France 2, Arte aussi évidemment, qui fait des choses remarquables depuis presque toujours… Mais je persiste : avec Braquo, nous avons un peu été les précurseurs de tout ça. Comme il y a eu, aux États-Unis, Les Sopranos sur HBO, auquel j’ai aprticié d’ailleurs.

Parlez-nous de votre personnage dans Hors Saison face à Marina Hands et Sofiane Zermani…

Je ne vous en parlerai pas car c’est un personnage qui doit garder tout son mystère. Il faut savoir garder le suspens pour le public. Mais c’est un élément important de l’intrigue qui apparaît à un moment crucial. Il a des dualités humaines tout à fait réelles, passionnantes et fortes. À l’image des autres intervenants de cette série.

« Pour moi, rien n’a changé. Tout est comme avant. Je n’ai aucunement envie de descendre du manège »

Qu’est-ce qui vous a fait adhérer à ce projet franco-suisse ?

Un scénario très intéressant et, surtout, une participation très flatteuse. Mon agent Christelle Graillot et moi avons trouvé ce projet intelligent, stimulant… et surtout une enveloppe d’argent énorme ! (Rires) Non, je plaisante. Je me suis trouvé des points communs avec Marina Hands. Elle est très discrète sur le plateau, très concentrée et préparée. J’avais entendu des choses formidables sur elle, aussi bien au théâtre qu’au cinéma. Notre collaboration me les a confirmées.

Le moment le plus fort de ce tournage ?

Une scène sur un barrage. C’était le premier jour de tournage. J’étais très impressionné. Il faut savoir que je suis terrifié par le vide. À tel point que je n’arrivais plus à dire mon texte. À un moment donné, je devais pousser un autre personnage dans le vide, un cascadeur, tout était calculé. Mais, pour moi, c’était insupportable. 

Vous avez émergé dans les années 80, période particulièrement difficile pour le cinéma français, avec des salles qui atteignaient un taux record de fermetures. Pensez-vous avoir débuté en terrain « hostile » ?

Je ne raisonnais pas vraiment comme ça à l’époque. Lorsque j’ai fait L’Homme blessé  avec Patrice Chéreau, en 1982, nous avions fait 100000 entrées sur Paris. Pour nous, c’était beaucoup. Avec 37,2° le matin de Jean-Jacques Beineix, en 1986, nous avons rassemblé plus de 3,5 millions de spectateurs. Avec Maladie d’amour de Jacques Deray, l’année suivante, nous avons engrangé 13000 entrées le premier jour. Nous parlions à une génération de jeunes qui allaient encore au cinéma. Mais, vous avez raison, à ce moment-là, les salles ne se portaient vraiment pas très bien. 

« Je ne suis pas Michel Galabru »

Qu’est-ce qui vous donne encore le goût de continuer ?

J’ai 65 ans. Regardez Charles Vanel, Michel Bouquet, Jean-Louis Trintignant… Il y a de très beaux rôles qui vont arriver. Simplement, il faut tomber sur le bon sujet. Vous me troublez un peu car je n’ai tellement pas l’âge d’arrêter. Pour moi, rien n’a changé. Tout est comme avant. Je n’ai aucunement envie de descendre du manège. Il y a de jeunes metteurs en scène, comme Philippe Lacheau avec lequel j’ai fait Super-héros malgré lui, qui me proposent aujourd’hui un registre différent auquel je n’téais pas vraiment habitué. C’est important pour moi. Mes traits, mon visage, mes réactions changent. J’ai des rides, des expressions, une façon d’appuyer le jeu différente. Cela me permet de m’aventurer dans des univers nouveaux. 

Lequel souhaiteriez-vous aborder le plus aujourd’hui ?

La comédie. Mais écrite, intelligente, subtile. Comme le fait Philippe Lacheau. Je ne suis pas Michel Galabru, donc… Il faut qu’elle soit travaillée au détail. Par exemple, ça m’aurait beaucoup plu si Bertrand Blier avait eu 30 ans de moins de me glisser avec lui dans l’absurde. Buffet froid reste pour moi un film exceptionnel. Il y a des tas de metteurs en scène en devenir qui ont l’intelligence de faire des choses folles comme ça. J’ai envie de m’immiscer dans ce genre de couleur.

Jean-Jacques Beineix s’est éteint en janvier dernier. Vous avez été un de ses acteurs emblématiques. La presse a beaucoup parlé de « rendez-vous manqué avec le cinéma français » à son sujet. Est-ce également votre avis ?

Il y a de ça. Il restera tout une part de mystère autour de Jean-Jacques. C’est quelqu’un qui avait un ressentiment très profond à l’égard du métier. Il avait beaucoup de mal à trouver un terrain d’entente pour monter ses films. Il était un peu autiste mais aussi volontiers touche-à-tout. Il a fait des installations, de la peinture, du piano. Il a écrit un très beau roman, Toboggan, dans lequel il abordait ses problèmes de santé… C’était quelqu’un qui avait beaucoup de talent. Mais je crois que cette somme de talents l’a dispersé un peu.

Photo © Olivier Vigerie – Séries Mania