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Niels Schneider « Tout film est politique »

Deux ans après Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait d’Emmanuel Mouret, Niels Schneider change de cap et campe un ancien combattant de retour d’Afghanistan sombrant dans le banditisme minable. Âpre et sombre, Sentinelle Sud ne rate pas sa cible. L’acteur se livre sur son rôle.

Le film noir est-il un univers qui vous plaît particulièrement ?

Bien sûr, c’est un genre que j’aime beaucoup. Même si « film noir », finalement, c’est un terme assez vaste. Tout de même, ce sont toujours des personnages avec des aspérités, moins lisses que dans des histoires plus classiques, plus tragiques aussi, romanesques. Ça m’intéresse que ce soit chez Corneau, Lumet, Cimino ou les frères Safdie – leur Uncunt Gems avec Adam Sandler est un très grand film noir.

Comment se prépare-t-on un personnage comme Lafayette, soldat en rupture de ban ?

J’ai regardé pas mal de documentaires dont un, Of Men and War, qui m’a particulièrement marqué, sur les soldats américains de retour d’Irak. Des portraits de très jeunes gens, sortis à peine de l’adolescence, et qui reviennent bousillés, hantés par les morts. Avec un retour à la vie civile impossible. Je voulais aussi comprendre pourquoi des hommes ont envie d’aller à la guerre, ce qu’ils vont y chercher. Pour Lafayette, c’est presque une quête affective, existentielle, une manière de se trouver un lien fort avec l’autre, une famille. Ce rapport avec ses frères d’arme et son commandant, qu’il appelle « Le père » est finalement tout ce qui lui avait manqué dans sa jeunesse.

Est-ce un film politique pour vous ?

Je pense que tout film est politique, même ceux qui s’affichent moins militants, à partir du moment où il présente un personnage. Il y a un discours forcément derrière, une vision du monde. Sur ce plan, Sentinelle Sud véhicule quelque chose d’assez fort en particulier avec le personnage de Mounir (Sofian Khammes, ndlr). C’est un fils d’immigré, hanté par son histoire : le fait que son père a tout fait pour s’intégrer, qu’il l’a envoyé à la guerre pour se sentir « totalement français »… Le film parle aussi de nation, d’immigration.

« Denis Lavant, voilà le genre d’acteur qui m’a donné envie de tourner. Un artiste total »

Vous semblez rigoureux dans le choix de vos projets. Êtes-vous plutôt du genre à lire ou préférez-vous directement rencontrer ?

Un peu des deux. J’ai besoin de pouvoir me projeter à la lecture, d’être secoué par un personnage. Que ça provoque un désir. Surtout sur des premiers films. Il y a tout de même une plus grande part d’inconnu. Pour Sentinelle Sud, lorsque j’ai rencontré le réalisateur Mathieu Gerault, j’ai tout de suite pu sentir son intelligence, sa sensibilité, son degré d’investissement. Ça m’a tout de suite parlé.

Denis Lavant, India Hair, Sofian Khammes : lequel de vos partenaires dans le film vous a le plus impressionné ?

Ce sont tous de fabuleux comédiens ! Denis, j’avais déjà tourné avec lui sur un film de Pierre Schoeller. Voilà le genre d’acteur qui m’a donné envie de tourner. Un artiste total. Pour moi, intimement, c’était hyper fort qu’il tienne le rôle du « père ». A partir du moment où je l’ai découvert chez Carax, il a toujours tenu une figure de modèle. India est d’une fraîcheur, d’un charme, d’une intelligence incroyables. Sofian, lui aussi, est un acteur très puissant. Sans oublier Thomas Daloz, la grande révélation du film à mes yeux, qui a ce côté à la Paul Dano et qui est d’une poésie dingue dans son rôle de jeune soldat bousillé par la guerre.

Le fait que vous n’ayez pas tourné durant deux ans, est-ce un signe de lassitude ou une volonté de ne vous impliquer que dans des projets qui vous plaisent ?

M’impliquer, ça c’est sûr. Autant j’adore tourner, autant je cherche à choisir les projets qui me tiendront à cœur, où il y aura une vraie promesse d’aventure. En fait, sur ces deux ans, je n’ai été absent des plateaux que pendant neuf mois. Ça n’a pas duré si longtemps que ça. Ensuite, il y a eu le tournage de la série Totem…

Prix d’interprétation à Saint-Jean-de-Luz pour Sentinelle Sud. Heureux ?

Évidemment ! Je suis toujours très content quand je reçois un prix. C’est simplement une reconnaissance de votre travail. Vous vous dites que vous ne vous battez pas pour rien. Après, la compétition, je n’y crois pas du tout. Mais c’est agréable de voir ses efforts récompensés.

Quelques mots sur Tikkoun, la série sur l’affaire de la taxe carbone dans laquelle vous apparaissez ?

Je suis en plein dedans. Un personnage totalement dingue, très romanesque, comme j’en ai jamais joué. Une super équipe dirigé par un Xavier Giannoli complètement dément, totalement habité par sa série. Tout le monde s’y donne au maximum. Et le scénario, librement inspiré du livre de Fabrice Arfi, envoie vraiment du lourd.

Sentinelle Sud de Mathieu Gerault avec Niels Schneider, Sofian Khammes, Denis Lavant… Sortie le 27 avril.