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Non, c’est non !

Le Consentement est l’adaptation du témoignage de Vanessa Springora. Sa relation, gamine, avec un auteur aujourd’hui vaguement déchu. Entre érotisme torve et bric-à-brac #Metoo, tout le monde s’y perd.

Vanessa Springora (Kim Higelin) n’a que 14 ans et des rêves de littérature quand elle croise en soirée Gabriel Matzneff (Jean-Paul Rouve). Lui est admiré du tout ce que compte Paris d’arrivés et d’arrivistes dans l’édition. Ses récits de pédophile assumé font frissonner les amateurs de bouquins qui ne se vendent même pas sous le manteau. Face à l’érudit subventionné graphomane, la gamine tombe sous le charme. La maman (Laetitia Casta), vin rouge et falbalas, applaudit – moins dans le film que dans le livre semble-t-il. Tout cela finit mal. Avec une question en suspens : où était donc le papa pour transformer le crâne rond bien plein de l’écrivain en tête au carré ?

Vanessa (Kim Higelin) et sa mère (Laetitia Casta) : les autres Nuits de Saint-Germain-des-prés.

Mise à mâle

Le film commence sur les chapeaux de roues. « Tous les hommes sont des salauds ! » s’irrite le personnage incarné par Laetitia Casta entre deux amants de passage. L’heure est, on le sait, à la charge anti-mâles (blancs), l’adaptation du Consentement tombe donc pile poil ; livre adoubé à sa sortie par probablement les mêmes qui adoubait Gabriel Matzneff encore il y a peu. Matzneff, vous connaissez ? Cet éternel dégueulasse qui traversa d’un pas léger le monde germanopratin des années 70 à 2020. C’était « l’bon temps », jadis, où même Libé, qui le flingue aujourd’hui, publiait des papiers appelant à consommer du gosse ! Oui, mais des cochoncetés commises par des intellos, des dandys plus ou moins jeunes, avec ou sans rosette, des invertis en décalage. Pas par le poivrot dunkerquois ou le maçon du mâconnais. Fallait pas déconner !

Gabriel Matzneff (Jean-Paul Rouve) en blanc mais pas blanc-bleu pour autant.

Tous coupables

Retour à aujourd’hui. Gabriel Matzneff est désormais dans les cordes. Même si on l’a revu récemment à une champagne party chez Gallimard. Vanessa Springora, une des nombreuses victimes du trifouilleur des lettres, a écrit Le Consentement pour raconter son calvaire d’ado hypnotisée. Règlement de comptes à OK Corral-des-prés. Et succès en librairie. Ce qui aurait dû passer comme une empoignade intimiste résonne fort à l’heure de « Tous des porcs ! ». Le film suit ce timing. Pas un pour rattraper l’autre, y compris dans le film. Écrivain, amis, amants, profs, petit copain – même puceau, l’homme ne sait vraiment pas y faire -… tous coupables ! D’ailleurs, Laetitia Casta, la maman de Vanessa à l’écran, s’est épanchée depuis peu dans la presse : ses premiers émois, c’était avec une fille. Où est la différence ? C’est même mieux à bien y ressentir. Son Louis Garrel de mari doit en faire une tête. Entre cet abattage et les exploits de son papa, vieil amoureux transi et forceur éconduit…

Jean-Paul Rouve a beaucoup souffert du rôle. Ses cheveux aussi.

Tuche-à-tout

Que garder du deuxième film de Vanessa Filho (Gueule d’ange en 2018) ? Un intérêt certain pour les talents de Kim Higelin – « petite fille de »… Le public même vieux et cochon (et blanc) compatit. Et elle se donne à 100%. Les scènes de nu, qui auraient normalement dû frôler l’épouvante, trouve un écho glauque et cul dans ce que faisait à l’époque Walerian Borowczyk et son érotico-choc – revoir La Marge, adaptation pas si bidon d’André Pieyre de Mandiargue. En résumé, ça racole un peu sur les côtés. La qualité est là, cinématographiquement, autant que le malaise : « Que regarde-t-on » ou « Que nous raconte-t-on ? » Le spectateur/voyeur s’y perd un peu. A la fin, après une ellipse vertigineuse – Vanessa passe d’un squat à l’héroïne aux bureaux proprets des éditions Julliard -, le film se referme sur de nombreuses questions. Dont la toujours liminaire : « Père, pourquoi m’as-tu abandonnée ? » Pour finir, il y a Jean-Paul Rouve qui nous refait le coup de Spaggiari. Il confie là encore avoir beaucoup souffert du personnage. Gabriel Matzneff moins simple que Jeff Tuche ? C’était à prévoir. Il a dit, pour l’influence, avoir travaillé son rôle en pensant à Anthony Hopkins. On pense plutôt à Blofeld, le méchant de James Bond, ou un Fantômas pâle. Loin de la rondeur cauteleuse et malfaisante qui émanait de Matzneff, le vrai, dans ses prises de parole. En sus, l’acteur montre au détour d’un plan son vit. Le Consentement, c’est vraiment l’horreur !

Photos : Julie Trannoy.

Le Consentement de Vanessa Filho avec Kim Higelin, Jean-Paul Rouve, Laetitia Casta… 1h58. Sortie le 11 octobre.