Recevez la newsletter

NUMÉRO EN KIOSQUE

PRUNIER, cultiver l’avant garde

Véritable temple des produits de la mer, cette institution parisienne inscrite au titre des Monuments historiques a fait appel à Yannick Alléno pour superviser sa nouvelle décoration et revisiter sa carte. Le chef triplement étoilé redore le blason du mythique établissement de l’avenue Victor Hugo et répond, avec chic, à EDGAR. Rencontre rue Victor Hugo, au coeur de cet écrin « régénéré » avec le plus grand soin  !

Depuis votre arrivée chez Prunier, le lieu se mue en institution célébrant les produits de la mer. Comment avez-vous réussi à moderniser cette adresse légendaire tout en restant fidèle à la tradition ?

J’ai voulu faire de cette maison mythique une institution des produits de la mer : des poissons les plus nobles aux poissons oubliés, des coquillages aux crustacées… ce sont des produits délicats qui méritent d’être à peine touchés pour ne pas être dénaturés. L’idée est donc de les travailler à la fois parfaitement et simplement. C’est un subtil équilibre entre tradition et modernité. On retrouve bien sûr les grands classiques de la Maison comme l’œuf Christian Dior, mais je travaille la gelée avec une extraction de jambon. C’est aussi tout le savoir-faire du service à la française que nous avons fait perdurer, comme les découpes de poissons en salle ou la préparation des crêpes Suzette, qui participent aussi de cette âme unique de la Maison. J’ai envie que ceux qui ne sont jamais venus chez nous poussent la porte, et que les gens du quartier se réapproprient ce lieu qui a toujours été le leur !

Le fondateur du restaurant, Emile Prunier, se positionnait déjà comme un avant-gardiste. Il a été le premier à mettre en place la livraison d’huîtres à domicile. Comment perpétuez-vous cet héritage avec votre vision moderne de la cuisine ?

Emile Prunier était un entrepreneur visionnaire. Il a aussi été le premier à rendre disponible le champagne à la coupe, et à inventer le bar à huître ! C’était un homme qui s’inscrivait dans son temps et savait s’adresser à ses contemporains. Aujourd’hui au restaurant Prunier on retrouve la pêche du jour avec Criée et cette possibilité de choisir le poisson qui sera ensuite préparé en cuisine. Ma vision moderne s’exprime dans ces choix de poissons, des plus nobles aux plus méconnus, mais aussi dans la manière dont on vient les préparer. Comme ce Merlan Frit à la Prunier qui prend des airs un fish & chips et surmonté d’un tartare de thon et caviar. Ou encore un plat très réconfortant, le cassoulet de lotte. Ces plats s’inscrivent pleinement dans l’histoire du restaurant, et deviendront peut-être à leur tour des plats iconiques !

Votre « patte » s’exprime notamment dans les gelées et les extractions. Peut-on en savoir davantage à ce sujet ?

J’ai déposé ce brevet des extractions qui permet d’extraire la quintessence de chaque produit sans l’abîmer. C’est une révolution, tant au niveau gustatif que nutritif. Les nutriments sont totalement préservés, grâce à une cuisson longue à juste température. On peut l’appliquer à chaque produit, pour peu que l’on trouve la température de cuisson idéale. Ces extractions servent ensuite à créer aussi bien des sauces que des gelées, avec un goût profond et franc.

Une anecdote sur ce lieu de légende parisien centenaire très apprécié en son temps par Monsieur Dior, Scott Fitzgerald ou encore Oscar Wilde ?

C’est en effet un lieu chargé d’Histoire, dans lequel se rendaient les intellectuels de l’époque. C’était un lieu très prisé et à la mode ! Pierre Berger et Yves Saint-Laurent avaient l’habitude de s’asseoir à la table 10, d’où ils pouvaient tout observer. Il faut savoir également que c’est ici que Fitzgerald est venu à plusieurs reprises pour l’écriture de son livre Gatsby le Magnifique.

Rénové, sous votre supervision, par la brillante architecte d’intérieur Alexandra Saguet, ce lieu dégage une atmosphère unique. Est-ce exact ?

En effet, c’est un lieu classé aux monuments historiques, dans un style Art Déco très préservé. Quand nous l’avons rénové, nous avons fait attention à conserver cette âme si particulière, qui fait tout son charme. A l’étage, j’ai demandé à Alexandra Saguet de créer le Bar à Champagne. Elle ainsi fait appel aux Studios Gohard et L’atelier du Mur pour repenser cet espace où l’on peut venir prendre l’apéritif autour d’une coupe de champagne.

Prunier est un lieu iconique où le savoir-faire français a toujours su rayonner. Qu’avez-vous à cœur de sublimer ? 

Pour Emile Prunier à l’époque comme pour moi aujourd’hui, soutenir le savoir-faire français est une priorité. Nous faisons un gros travail de sourcing pour avoir les plus beaux produits et nous favorisons la pêche locale. Différentes espèces de poissons, parfois méconnues, pour éviter la surpêche de certaines d’entre elles et faire connaître aux clients la richesse des mers. J’ai à cœur de sublimer ces produits délicats que la nature nous offre.

Impossible ici de passer à côté du célèbre œuf Christian Dior. Une madeleine de Proust ?

C’est à coup sûr un des plus anciens plats de la carte. Ma madeleine de Proust serait plutôt une belle sole meunière, cuite tout simplement au beurre et joliment dorée.

Quel parti-pris derrière l’élégant menu « Émile » ?

Le menu change régulièrement pour suivre la saisonnalité et la disponibilité des produits. Nous avons la volonté de proposer des plats à la fois bons et sains, pour notre clientèle qui aime les bonnes choses tout en étant soucieuse de sa santé. A la criée, vous avez de beaux poissons comme le Saint-Pierre, cuits simplement à l’huile d’olive au four. En ce moment, au menu « Emile », vous pourrez trouver un Civet de noix de coquilles Saint-Jacques au foie gras de canard, ou encore une Côtelette d’agneau massée au beurre d’algues, accompagné d’un jus blanc aux huîtres.

Comment sont pensés, chez Prunier, les « accords bulles grains » ?

Ils sont abordés notamment à travers des masterclasses qui ont lieu à l’étage au restaurant, au bar à champagne. Une occasion d’en savoir plus sur ce produit que l’on méconnait souvent, d’en déguster plusieurs sortes, de comprendre les différences de maturation, et tout le processus extrêmement précis qui se cache derrière ce produit d’exception. En accord, le sommelier de la maison vous propose plusieurs champagnes pour sublimer chacune des espèces de caviar.

Les amateurs de caviar Osciètre apprécient ici d’infinies possibilités allant du Prunier millésime 2022 au Prunier Saint-James. Quelques mots sur le Malossol (peu salé en russe) qui attire chez vous les puristes du monde entier ?

Grâce à la Manufacture Prunier qui se situe en Dordogne, nous avons cette chance d’avoir une grande sélection de caviars français. Parmi eux, le caviar Osciètre est peu salé, délicat et rond en bouche, avec une texture beurrée qui séduit les connaisseurs. Sa faible teneur en sel lui confère, en fin de bouche, des notes iodées qui font sa particularité.

A lire, l’ouvrage « Prunier par Alléno, une grande maison d’avant-garde » chez Glénat.

www.prunier.com